Le tie break (ou super tie break) est un exercice toujours compliqué à gérer, à tous les niveaux. Notre rubrique 'conseils aux compétiteurs' vous aide ici à mieux appréhender ce 'jeu décisif'.
Que ce soit dans sa version "normale" (en 7 points) ou en version "super" (en 10 points), le jeu décisif reste de toute manière un exercice toujours très particulier – et décisif comme son nom l'indique - dans la vie d'un joueur de tennis, de n'importe quel niveau.En photo, Kristina Mladenovic avait remporté au tie break du 3e set (7 points à 1), l'une des plus grandes victoires de sa carrière, face à la n°1 mondiale Ashleigh Barty, devant le public australien à Perth, en finale de la Fed Cup.Entraîneur de l'équipe monégasque de Coupe Davis (et ancien 569è mondial), Guillaume Couillard en connaît un rayon en la matière puisqu'il est le co-auteur, avec son compatriote Benjamin Balleret, du tie break le plus long de l'histoire : 36-34 lors d'un tournoi Future en 2013 !Par nature, le tie break est un corps-à-corps serré entre deux joueurs de niveau a priori équivalent. Mais, s'il n'y a pas de recette miracle (ça se saurait !), on le remporte tout de même rarement par hasard. Au moins faut-il suivre ces quelques préceptes…
1/ Acceptez (et gérez) ce moment de stress
Dans un match de tennis, il y a des moments plus tendus que d'autres et le tie break, épreuve de vérité par excellence, en est un. Personne, du Non classé au n°1 mondial, ne peut échapper à une forte montée d'adrénaline dans ces moments-là. Inutile de se flageller, c'est tout à fait normal. Mieux vaut plutôt l'accepter."Quand on arrive à 6-6, c'est que le set a été long, or il va se jouer sur quelques points et l'on n'a pas envie d'avoir fait tous ces efforts pour rien, synthétise Guillaume Couillard. Evidemment, il faut essayer de ne pas penser comme ça, mais il y a forcément une montée de stress. On peut toujours essayer de se dire qu'il faut jouer comme si on était en début de set mais au fond de soi, on sait très bien que les points qui arrivent sont très importants. Il ne faut pas se culpabiliser de stresser, sinon c'est la double peine ! Il vaut mieux se dire : "Ok, il y a de la tension, je l'accepte. A moi de bien la gérer."En sachant que c'est pareil pour l'autre…
© FFT / Nicolas Gouhier
Avant un jeu décisif, faites comme Nadal : concentrez-vous et acceptez la montée de stress.
2/ Faites un grand bilan de la situation
Bien sûr, il ne faut pas attendre 6-6 pour analyser ce qui est en train de se passer sur le court : tous les moments de pause, et notamment les changements de côté, doivent servir à ça. Néanmoins, il est temps plus que jamais de jouer juste dans un tie break. Et donc de "sentir" la dynamique du match."On n'aborde généralement pas un tie break de la même manière selon si le set a été équilibré tout du long, si on a opéré une remontée au score ou si au contraire on a perdu un break d'avance", objecte Guillaume Couillard.Il est impératif évidemment de savoir analyser les points qui ont bien marché durant le set, et ceux qui ont moins bien marché. Il n'est pas exclu, non plus, d'opérer à des moments ciblés un brusque changement tactique à dessein de surprendre l'adversaire. Là encore, tout est une question de feeling, de confiance et de sensation.
3/ Réfugiez-vous derrière vos valeurs sûres
Le "basique" principal, dans un tie break, est de s'appuyer avant tout sur ses schémas préférentiels. Ce n'est pas le moment de s'aventurer à tenter des coups que l'on réussit rarement en temps "normal"."Ce sont dans les moments de forte tension que nos points faibles ou nos petites fragilités ressortent, rappelle Guillaume Couillard. Le tie break en est un. Il faut être très vigilant là-dessus. Il est donc important de bien se connaître et de s'appuyer sur ce que l'on maîtrise le mieux, pour se rassurer et se retrancher là-dedans."On dit que les meilleurs serveurs sont généralement avantagés dans un jeu décisif (on va en parler), mais si votre engagement est plutôt basé sur le pourcentage, inutile de tenter subitement des grosses premières à tout va au simple motif qu'il s'agit d'un tie break. Jouez votre jeu.
© FFT / Corinne Dubreuil
A l'image de Nicolas Mahut, qui a joué beaucoup de jeux décisifs dans sa carrière, appuyez vous sur vos points forts, en l'occurence pour lui, le service et le jeu offensif.
4/ Observez l'adversaire
Par un effet miroir de ce que l'on vient de dire, à savoir s'appuyer sur ses forces, il est tout aussi primordial aussi, dans la mesure du possible, d'appuyer très fort dans un tie break sur les éventuelles faiblesses de l'adversaire.D'où la nécessité de bien l'observer, ce qui aura été fait tout au long du set, et ce dès l'échauffement. "Il y a forcément un coup où l'adversaire est moins à l'aise techniquement. Même s'il a marqué de beaux points sur ce coup pendant le set, il risque fortement d'être rattrapé par la tension du tie break. Dans ces cas-là, on s'engage moins, on se met un peu en arrière et on part à la faute. Il faut donc l'emmener sur ce coup qu'il semble moins bien maîtriser techniquement", résume Guillaume Couillard.Mais l'observation de l'adversaire n'est pas que technique. Elle est aussi psychologique. Il est intéressant à ce moment là de l'observer, décoder son langage du corps pour déceler quelques indices sur son état de nerfs."Je n'ai pas été un grand joueur mais j'avais, je pense, cette faculté de déceler les moments où il fallait aller chercher l'adversaire, ou au contraire remettre la balle en jeu, se remémore Guillaume Couillard. C'est probablement une qualité très importante dans un tie break, où il faut vraiment sentir si on a le dessus sur l'autre ou pas, et ajuster selon le cas le curseur au bon endroit."
Roger Federer possède le meilleur ration tie breaks joués/gagnés sur le circuit ATP (65,1%), grâce entre autres à sa grande capacité d'adaptation.
5/ Jouez point par point
Encore un principe fondamental du tennis qu'il est plus que jamais primordial d'appliquer dans un jeu décisif, sorte de "super-concentré" de l'essence de ce sport. Là, on est dans le domaine de la Lapalissade : un tie break, c'est 7 points (ou 10), qui valent tous aussi cher les uns que les autres, du premier au dernier. Peut-être d'ailleurs un peu plus les premiers, qui peuvent conditionner les derniers. Mais c'est une autre histoire.Quoi qu'il en soit, le poncif du "jouer point par point" doit plus que jamais être de rigueur. "Il s'agit ni plus ni moins de rester dans le présent, du début à la fin du tie break, résume Guillaume Couillard. C'est par exemple la qualité principale de Nadal, qui a de très bonnes stats dans l'exercice : pour lui, chaque point est un match. Je l'ai perdu ? Ok, match suivant…"
© FFT / Corinne Dubreuil
Lucas Pouille garde un souvenir vibrant de sa victoire au tie break du 5e set face à Rafael Nadal en quart de finale de l'US Open 2016.
6/ Soyez performant aussi entre les points
Voilà un aspect dont on parle moins souvent, et pourtant… Au tennis, il s'agit de performer pendant les points, évidemment, mais si possible aussi entre les points, moments qui représentent, rappelons-le, la majorité d'un match.Or, ce sont dans ces moments-là, cette zone un peu grise où l'on n'est pas dans l'action, certes, mais pas non plus en train de boire une bière au club-house, que peuvent se jouer une grande partie du match.Pourquoi ? "Parce que le tennis est un sport de duel, répond Guillaume Couillard. Consciemment ou pas, tout ce qui se passe de l'autre côté du filet a un impact direct sur vous. A contrario, ce que vous dégagez a un impact direct sur l'autre. Et je trouve là encore que cet impact, dans un tie break, est décuplé. Donc si l'adversaire vous voit aborder le tie break avec un état d'esprit négatif, en soupirant ou avec la tête baissée, automatiquement il va prendre confiance. Par contre, si vous sautillez ou si vous vous encouragez, vous envoyez un tout autre message. Ça peut être intimidant pour l'autre de voir que vous n'avez pas peur."
A l'image du démonstratif Carlos Alcaraz, ce que vous dégager entre les points a son importance, surtout dans un tie break...
7/ Travaillez votre service
On dit parfois que les gros serveurs sont avantagés durant un jeu décisif, ce que les statistiques semblent confirmer : si les joueurs qui remportent le plus de jeux décisifs sont globalement les meilleurs joueurs… tout court (Roger Federer et Novak Djokovic présentent le meilleur bilan avec respectivement 65,1% et 64,4% de tie breaks gagnés), on retrouve malgré tout des gros serveurs haut placés dans ce classement, comme Andy Roddick (7e avec 62,1%), Milos Raonic (11e avec 61,3%), John Isner (13e avec 60,7%) et même le Directeur technique National en personne, Nicolas Escudé (17e et premier Français avec 60,3%).Deux explications plausibles à cela : d'abord parce que les gros serveurs jouent beaucoup de tie breaks, donc s'habituent à gérer un exercice qu'il n'est pas facile de travailler à l'entraînement, sans la pression de l'enjeu ; ensuite parce que leur profil de jeu est peut-être plus adapté à ces moments tendus, dans la mesure où "quand il y de la tension, moins on a de balles à frapper, mieux c'est", s'amuse Guillaume Couillard.Dans cette perspective, il est plus que jamais utile de travailler ce coup à l'entraînement.(Rémi Bourrières)
© FFT / Corinne Dubreuil
John Isner a un bon pourcentage de réussite dans le tie breaks. Pas une surprise...
Et le super tie break alors ?
Tous les conseils énoncés ci-dessus sont les mêmes pour un tie break ou un super tie break. La seule différence est que, dans ce dernier cas, le format un peu plus long en 10 points est censé favoriser le meilleur des deux joueurs."Disons que d'une manière générale, plus le format est court, plus les chances sont nivelées, conclut Guillaume Couillard. Ainsi, on aborde le super tie break avec un peu plus de sérénité que le tie break parce que comme c'est plus long, on sait qu'on a plus de chances d'imposer ses forces et de faire la différence. Ou alors, de se reprendre si on est mal parti..."(Rémi Bourrières)