Pour ce 23e épisode du "match de ma vie", le juge-arbitre Nicolas Vagneck, qui officie depuis 2008, nous raconte LES matchs de sa vie. Car en une décennie, il en a vu de toutes les couleurs...
Vous avez joué un match de 12 heures ? Vous avez battu Roger Federer quand il était jeune ? Vous avez gagné après avoir été mené 6/0 5/0 40-0 ? Vous avez gagné un tournoi en jouant pieds nus et en costume cravate ? Dans cette rubrique, nous vous invitons à partager vos plus belles expériences sur le court, quel qu'il soit (tennis, padel, beach...).Identité : Nicolas VagneckClub actuel : TC MarseillanAnnée de naissance : 1975___
Vous êtes juge-arbitre, mais jouez-vous vous-même ?
J’ai commencé le tennis avec des copains pour m’amuser, vers l’âge de 16 ans. Mais je n’ai jamais eu une âme de compétiteur et je n’ai jamais beaucoup joué. Je joue une fois par semaine maximum, en alternance avec le padel, que je pratique depuis quelques mois. Pour ce qui est de mon expérience de juge arbitre, elle a débuté en 2008. Au départ, c’était juste pour dépanner dans mon club. À deux semaines du tournoi, j’ai reçu un coup de fil : "Nicolas, on n’a plus de juge-arbitre ! Aide-nous !". Je l’ai fait et ça m’a plu. Il vous a donc fallu apprendre sur le tas ?
J’ai juste regardé avant comment on faisait un tableau, pour le reste j’ai improvisé. J’aurais pu être dégoûté suite à cette première expérience réalisée dans l’urgence, mais j’ai aimé. Par la suite, j’ai gravi tous les échelons pour devenir JAT3 et JAE3 : T comme tournois et E comme équipes. C’est le plus haut grade de juge-arbitre. Et depuis quelques mois, j’ai aussi mon premier niveau international. Tout est donc parti d’un remplacement, mais c’est devenu depuis une vraie passion. Mon but est d’essayer de décrocher un deuxième niveau international, ce qui me permettrait d’être semi-professionnel. Pour l’instant, ça reste un loisir de quelques semaines par an.
Quels sont les matchs que vous avez juge-arbitrés qui vous ont le plus marqué ?
Je viens justement d’assister à l’une des choses les plus folles que je n’ai jamais vue. Lors de la Tennispro Cup du Cap d’Agde, une joueuse classée 15/4 a abandonné à 4-1 dans le premier set car elle considérait que son adversaire, classée 15/4 elle aussi, était trop forte. Elle a râlé auprès de son adversaire et auprès de l’organisation en disant : "Moi je viens pour jouer, pas pour me prendre une raclée ! Moi je prône les valeurs du tennis. Ce n’est pas juste !". On n’a jamais réussi à lui faire comprendre qu’il pouvait arriver, en tennis, d’affronter parfois quelqu’un de plus fort que soi.
Quoi d’autre ?
Il y a quelques années, toujours au Cap d’Agde, j’ai reçu un coup de fil d’une joueuse qui habitait à quelques kilomètres de là, et qui voulait juste me préciser qu’elle allait être un peu en retard pour son match mais qu’elle allait faire en sorte d’arriver le plus vite possible. Quelques minutes plus tard, cette même dame m’appelle pour me dire : « je ne viens plus. J’étais sur l’autoroute, je ne viens plus ! ». J’ai d’abord eu peur car j’ai cru qu’elle avait eu un accident de voiture. En fait, elle roulait à plus de 180 km/h et s’était faite pincer par les gendarmes qui lui ont aussitôt retiré son permis de conduire.
Ça peut couper l’envie de jouer au tennis effectivement...
Son adversaire a donc gagné par forfait. Toujours au Cap d’Agde, j’ai deux copains qui devaient s’affronter et que j’avais programmé sur un court qu’ils jugeaient trop petit : ils considéraient qu’il n’y avait pas assez de recul derrière la ligne de fond. On se connait tous les trois très bien car on joue tout le temps ensemble. Mais dans ces cas-là, je suis obligé d’être ferme. Il n’y a plus d’amitiés qui tiennent. Je n’étais plus leur pote à ce moment-là, mais le juge-arbitre. Je leur ai alors dit que j’allais les scratcher tous les deux s’ils ne voulaient pas jouer sur le court que j’avais prévu. Ils ont fini par accepter.
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Un juge-arbitre aime les tableaux... de maître
Combien de temps ont duré les négociations ?
Avec moi, ce n’est jamais long. Cinq minutes tout au plus.
Qu’est-ce qu’on redoute le plus quand on est juge-arbitre ?
Les homonymes. Il y a quelques années, j’avais souvent dans mes tournois deux joueurs qui avaient exactement le même prénom et le même nom, et qui étaient tous les deux 15/3. L’un venait de Béziers et l’autre de Sète. C’est la seule chose qui les différenciait. Il m’est arrivé un jour de m’emmêler les pinceaux en prenant le joueur de Béziers pour celui de Sète ou l’inverse. Heureusement que l’on inscrit le club sur les tableaux. C’est grâce à ça que des amis à lui s’en sont rendus compte avant de me signaler l’erreur. Lui n’avait pas fait attention, il avait vu son nom et n’avait pas regardé le nom du club écrit en-dessous. Comme le tournoi avait déjà commencé et qu’il avait déjà passé un tour, j’ai dû faire une manipulation informatique pour annuler le résultat et l’attribuer donc ensuite à la bonne personne. Heureusement qu’on a découvert l’erreur à temps, sinon il aurait fallu annuler beaucoup plus de matchs.
Peut-on être à la fois juge-arbitre et joueur ?
C’est ingérable. La dernière que j’ai joué un tournoi que j’ai juge-arbitré, je m’étais retiré au premier tour contre un joueur qui a par la suite gagné quatre autres matchs. J’ai entendu des critiques. On m’a dit que je m’étais concocté un petit tableau tranquille, et que si je n’avais pas abandonné j’aurais fait le même parcours. En fait, le joueur en question avait un niveau bien supérieur à son classement. Pour être totalement transparent, j’ai préféré arrêter de participer à "mes" tournois.
Une petite dernière ?
Lors des championnats de France, en double, j’avais dû interrompre un match à 5-4 et 30-15 dans le dernier set à cause de la pluie. Les joueuses ont dû revenir le lendemain... pour ne jouer que trois points.
Vous prenez plus de plaisir à juge-arbitrer qu’à jouer ?
Oui, surtout quand tout se passe bien. J’aime voir les gens satisfaits. Jouer des tournois, ça me travaille trop la tête, c’est parfois très dur !
Le quotidien d'un juge-arbitre qui assiste forcément à des matchs hors du commun !