"Quand j’ai vu Caroline, je me suis dit : 'Elle est jeune ! Elle, je vais lui faire des ronds !'".
Vous avez joué un match de 12 heures ? Vous avez gagné après avoir été mené 6/0 5/0 40-0 ? Dans cette nouvelle rubrique, nous vous invitons à partager vos plus belles expériences sur le court, quel qu'il soit (tennis, padel, beach...).
Vingt-et-unième épisode : Camille Pauvert, une joueuse qui a battu Caroline Garcia il y a quelques années. Grâce à une technique bien particulière...
Identité : Camille Pauvert
Club : Tennis club du Parc d’Ostwald 67540 Ostwald
Meilleur classement tennis : 5/6
Année de naissance : 1986
Camille, vous avez sept ans de plus que Caroline Garcia. Mais vous avez joué face à elle chez les jeunes, quand elle avait 12 ans, en 2005. Pouvez-vous nous raconter le contexte ?
C’était lors d’une compétition par équipes, dans le Lyonnais, à l’époque où je vivais à Roanne. Il s’agissait d’une rencontre de poules de pré-nationale, jouée à l’extérieur, dans son club. C’était le dernier match et nous étions à égalité. Mon match contre Caroline était donc décisif. Il allait décider laquelle de nos équipes allait accéder à la finale et avoir une chance de monter en nationale. J’étais classée 15 et elle était 5/6. Elle était légèrement favorite sur le papier, même si j’avais 19 ans et elle 12.
Connaissiez-vous Caroline à l’époque, du moins de nom ?
Je n’allais jamais faire de tournois à Lyon à l’époque, ni même dans les environs. Je n’en avais donc jamais entendu parler. Je l’avais juste vu jouer en double au cours de la rencontre. Elle jouait avec Jessica Ginier, qui aujourd’hui est d’ailleurs devenue une excellente joueuse de padel. Caroline était toute mince et surtout toute petite : elle était loin de son mètre 77 actuel.
Avant de l’affronter, vous sentiez que c’était une petite vedette locale ?
Elle était peut-être déjà au cœur d’une attention particulière, mais elle était très discrète et pas du tout prétentieuse.
Venons-en au match...
Nous étions toutes surmotivées par l’enjeu. Franchement, je savais que j’avais une chance car les plus jeunes n’aimaient pas mon type de jeu en général.
Quel est votre type de jeu ?
Je fais des ronds ! Quand j’ai vu Caroline, je me suis dit : "Elle est jeune ! Elle, je vais lui faire des ronds !". Ça a marché : elle a fait pas mal de fautes. J’ai gagné en trois sets très serrés, je n’ai plus en tête le score exact, mais je crois me souvenir d’avoir sauvé une ou deux balles de match et d’avoir gagné quelque chose comme 7/5 au troisième set.
Vous avez fait des ronds du premier au dernier point ?
Oui, c’était souvent mon jeu de l’époque. C’est souvent comme ça que j’ai « perfé ». Maintenant, je n’ai plus le physique pour ça. Caroline, elle, avait déjà un jeu tourné vers l’attaque. Elle était très offensive ce jour-là. Mais elle a peut-être fait un peu plus de fautes que moi durant la partie, ce qui a fait la différence au final. Je ramenais tout. Je sentais qu’elle n’aimait pas mes cloches, ça la faisait râler. Du coup, j’insistais encore plus...
Vous étiez sans pitié en quelque sorte ?
C’est vrai que c’est moche (rires). Mais ce n’est pas interdit par le règlement... Contre des toutes jeunes qui ont une belle technique, je me suis souvent permis de le faire pour les mettre à l’épreuve nerveusement. J’ai vu Caroline verser quelques larmes après le match, elle était triste. Moi j’étais contente, d’autant plus que mon équipe est montée en nationale par la suite.
© Corinne Dubreuil / FFT
Depuis ce fameux match, "Caro" a pris une toute autre dimension.
Avez-vous été impressionnée par Caroline pendant le match ?
Elle avait encore un physique assez frêle. Franchement, je n’aurais pas parié qu’elle allait par la suite devenir numéro 1 française et membre du top 10 mondial. Mais quelques années plus tard, j’ai été amusée de retrouver son nom dans les résultats internationaux. C’est une sensation plutôt agréable pour moi de me dire que je l’ai déjà battue. Même si moi, depuis notre rencontre en 2005, je suis toujours au même classement (rires).
Vous avez eu d’autres rencontres marquantes de ce type ?
J’ai joué aussi contre Aravane Rezaï au championnat de la Loire, à Montbrison. Je crois que j’avais perdu, c’est un souvenir très lointain. Mais mon match le plus « frappant » n’a pas été contre une future « star » du jeu : c’était contre ma maman, que j’ai affrontée en tournoi officiel quand j’avais 11 ans. C’était l’un de mes premiers matchs en catégorie adultes. J’avais perdu. Ma maman n’avait pas de pitié, elle m’a fait amortie/lob pendant toute la partie. Mais c’est la dernière fois qu’elle m’a battue !
Avec votre type de jeu, vous avez dû parfois jouer des matchs très longs ?
Pas tant que ça. Contre Garcia, ça n’avait pas dû durer plus de 2h30. J’essaie en fait de m’adapter au jeu de l’adversaire. C’est ma vision du tennis. Je vous rassure, je ne vais pas faire des ronds à chaque match. Si j’ai la possibilité de gagner autrement, je le fais. Je vais analyser le jeu adverse et chercher les solutions adaptées. Je n’ai pas spécialement de talent, donc j’insiste sur la tactique et le côté psychologique.
On peut paralyser un joueur en faisant des ronds. C’est notamment ce qu’avait fait Chang contre Lendl à Roland-Garros en 1989...
Beaucoup de gens trouvent ça horrible et ne veulent pas le faire en match. Ils préfèrent peut-être perdre que de gagner en faisant ça. Ce n’est pas mon point de vue. Le but du tennis est quand même de gagner !
Vous êtes aujourd’hui classée 5/6, il s’agit de votre meilleur classement ?
En général, je fais une quinzaine de matchs par an. En ce moment, je suis blessée. Si je retombe à 15, ça m’ira bien car ça me permettrait de commencer les tournois de tennis à un niveau inférieur. Je me mets un peu au padel en ce moment. J’ai un cours à dispo au boulot et je joue souvent pendant la pause déjeuner. D’ailleurs, pour l’anecdote, je travaille... dans le tennis. Je suis responsable marketing pour le site tennispro.fr.