Dix-neuvième épisode : l’une des figures de l’équipe tennis de BeIn sports, Charlotte Gabas, qui a vécu une sacré semaine fin août au Cap d’Agde... pour son premier tournoi depuis près de 15 ans !
Une ''perf'' énorme ? Un match qui dure 7 heures ? Vous avez gagné après avoir été mené 6/0 5/0 40-0 ? Dans cette rubrique, nous vous invitons à partager vos plus belles expériences sur le court, quel qu'il soit (tennis, padel, beach...).
Identité : Charlotte GabasClub : TCBB (Tennis Club Boulogne Billancourt)Meilleur classement tennis : 15Année de naissance : 1986
Charlotte, vous n’aviez pas joué en compétition pendant près de 15 ans... avant de reprendre fin août lors de la TenniPro Cup au Cap d’Agde. Ce tournoi de reprise, vous ne l'oublierez pas, dites nous pourquoi...
J’ai joué un premier tour de 2h40 pour seulement 2 sets, j’ai perdu mes raquettes en cours de tournoi, et j’ai fait 1500 km en train entre la demi-finale et la finale (sourire)...
Avant de rentrer dans les détails, expliquez-nous pourquoi vous avez choisi de disputer ce tournoi ?
Je suis journaliste sur BeIn Sport. Au départ, l’idée était de faire un reportage "en immersion" sur un tournoi amateur. La Tennispro Cup semblait être idéale pour ça. Quand je me suis rapprochée des organisateurs, l’un d’eux m’a lancé un défi : "Et si tu faisais le reportage tout en jouant le tournoi ?" J'ai trouvé que c’était une bonne idée.
Quel était votre état d’esprit avant le début de la compétition ?
J’étais plutôt inquiète. Je n’avais en effet pas joué de match officiel depuis 15 ans. J’ai arrêté quand je suis arrivé à Paris, après l'obtention de mon bac. Mon dernier match devait dater de 2004 ou 2005.
Combien de temps avez-vous eu pour vous préparer ?
Un bon mois. Mais j’ai senti l’urgence de me préparer environ trois semaines avant le coup d’envoi de l’événement. J’avais de fortes chances d’être ridicule...
Pourquoi ?
Je peux craquer mentalement quand je joue au tennis. Quand je jouais en compétition, je me mettais dans des états pas possibles. Je suis insupportable, je m’insulte etc... Ça me fait penser que j’ai aussi toujours voulu faire un reportage là-dessus : "Le tennis rend-il fou ?". Il n’y a que le tennis qui peut me mettre dans cet état-là. Mes nerfs ne sont pas autant à l’épreuve quand je pratique un autre sport.
© Philippe Montigny
Charlotte, émotive sur un court !
Comment s’est déroulée votre préparation ?
J’ai eu la chance de pouvoir m’entraîner sur les courts du CNE (Centre National d’Entraînement) avec les ex joueuses professionnelles Camille Pin et Séverine Beltrame. Deux coaches de luxe ! Lors des premiers entraînements, je n’avais pas de sensation, j’étais crispée, je n’avais aucune certitude. Il n’y avait rien de rassurant : je mettais souvent mes coups dans le bas du filet ou dans la bâche. Séverine, avec qui je commente sur BeIn Sports et avec qui je suis amie, m’a donné de véritables leçons de tennis. J’avais l’impression de repartir de très loin, j’en avais besoin.
Il y avait aussi le reportage à réaliser...
Ça faisait un double stress. J’avais deux choses à penser : faire un bon reportage et jouer sans être ridicule. Ma grande crainte était de perdre 6/0 6/0. Quand je suis arrivée sur place, je me suis entraînée avec l’un des coaches mis à disposition par les organisateurs, Bastien Fazincani. Ça m’a fait du bien, mais j’avais accumulé trop d’infos techniques. Du coup, je réfléchissais trop quand je jouais un coup droit. Et c’est problématique car c’était la base de mon jeu quand je suis montée 15. Je faisais le jeu avec mon coup droit et j’attaquais. En revanche, je n’ai pas de revers. J’ai abandonné l’idée d’avoir un revers normal : je le slice uniquement.
Revenons donc au tournoi. Comment s’est passé le premier tour ? La Tennispro Cup est une épreuve par classement... Quel était le vôtre ?
La FFT, pour que je puisse jouer, m’a assimilée à 15/5. Mon premier tour contre une joueuse de 18 ans aurait pu tourner court. J’ai rapidement été menée 4-1. Je ne faisais que des fautes en coup droit. Je n’arrivais pas à me lâcher. J’ai donc décidé à ce moment-là de changer de stratégie : j’ai slicé mon coup droit. Ce n’était pas très beau, mais cela l’a fait déjouer. J’ai couru partout. Je défendais bien. C’était un jeu de grand-mère, mais ça a fonctionné ! Je suis revenue à 4 partout, et ensuite c’est resté très serré.
Quel a été le résultat ?
J’ai gagné 7/6 7/6 en 2h40. Les échanges duraient des plombes, ça n’avançait pas. Je ne faisais que des balles en cloche, ou des balles slicées. Dans le premier tie-break, j’ai gagné 13 points à 11 en sauvant une ou deux balles de set. Même si elle semblait gênée par mon jeu, mon adversaire est restée calme. Moi j’avais honte. J’avais peur qu’elle m’en veuille. À la fin, je me suis excusée pour le jeu pratiqué. Elle l’a bien compris. Elle m’a félicité. Franchement, je ne prenais pas beaucoup de plaisir à jouer comme ça. Au début, je ne voulais tout simplement pas perdre 6/0 6/0. Et quand j’ai commencé à gagner des jeux, je me suis prise au jeu. Je voulais gagner.
Et la suite ?
J’ai perdu mes raquettes ! Après la rencontre, j’ai fait la petite interview d’après-match et le débriefing avec Bastien. Puis je suis allée voir le kiné car j’avais réveillé une douleur à la cheville pendant le match. Ce sont les avantages de ce tournoi, on peut se faire masser et avoir un kiné. J’avais l’impression d’être une joueuse. On m’a aussi demandé de participer à un "clinic" durant lequel je devais tester une raquette. J’ai fait tout ça dans un état second... J’étais dans un autre monde. J’avais tellement couru, j’avais joué si longtemps, que j’avais mal partout. Je n’étais plus du tout lucide. En rentrant à l’hôtel le soir, je me suis rendue compte que j’avais oublié mes deux raquettes au club... Je ne les ai jamais retrouvées ! En plus, il y avait dessus deux anti-vibrateurs que j’avais acheté à Wimbledon...
Il vous a donc fallu emprunter une raquette pour la suite ?
Le coach Bastien m’a prêté la sienne, qui était la même que la mienne, pour ma demi-finale. Là, j’ai affronté une joueuse de 25 ans qui avait avec elle un grand contingent de supporters. Ils étaient une dizaine et criaient sur chaque point. J’ai mené rapidement 5-2 mais cette ambiance m’a perturbé. J’ai raté des balles de set et elle est revenue à 5 partout. Je ne me suis imposée que 7/5 7/6. J’ai du mal à me lâcher quand on applaudit mes fautes. Mais c’était de bonne guerre. J’essayais tout simplement de ne pas m’énerver. Le match a duré 2h15... Ce qui m’a sauvé, c’est qu’à ce niveau-là, les joueuses n’ont pas forcément l’habitude de devoir attaquer et construire le point. Là, elles devaient le faire. Elles étaient obligées de donner du rythme et de faire le point. Moi, j’essayais de tout ramener.
Et vous voilà qualifiée pour la finale !
Je n’avais pas prévu de rester aussi longtemps. J’avais du travail à Paris. Je me suis qualifiée pour la finale un mercredi. Et la finale était prévue le vendredi. Je suis donc rentrée à Paris en train le mercredi soir, et je suis revenue le vendredi matin. Tout ça fait pas mal de kilomètres et pas mal d’heures de train. Le jeudi, je ne pouvais même pas marcher. Je faisais simplement des étirements. J’ai fait des trucs pour récupérer. J’étais cassée.
Pas évident de faire quatre heures de train juste avant un match, qui plus est une finale...
Pourtant, j’avais l’impression d’être pas mal avant la finale. En plus, j’ai eu le temps de m’entraîner une petite demi-heure et j’avais de bonnes sensations. Mais dès le début du match, je me suis sentie cassée. Je ressentais un vrai gros poids dans le bas du dos. Mon adversaire a vite pris le dessus. Elle s’est imposée 6/3 6/3. J’ai peut-être eu ma chance dans le deuxième set, car elle commençait à douter. Moi, je voulais à tout prix raccourcir l’échange car je ne pouvais plus courir. Mais elle s’en est sortie. Elle était au-dessus.
Séverine Beltrame était présente...
Elle est née à Montpellier et vit à Sète. Elle est venue me voir jouer en voisine. Elle me faisait des petits regards et me donnait des conseils pendant le match...
Quel bilan faites-vous de ce tournoi ?
Je m’attendais à perdre le premier match. Je suis comblée d’être allée jusqu’en finale. Et pour le reportage, c’était assez rigolo de pouvoir raconter quelque chose comme ça. Je n’étais pas fière de mon style de jeu. Ma fierté est venue de mon comportement : j’ai réussi à jouer sans m’énerver. Je me suis rendue compte que j’avais muri au cours de ces années sans compétition.
© Philippe Montigny
Une finale et une belle expérience pour Charlotte, récompensée par Paul-Henri Mathieu, comme Marie Duluc, la gagnante.
Cette expérience vous a-t-elle donné envie de reprendre la compétition ?
Je me suis inscrite au TCBB et j’y joue deux fois par semaine. La Tennispro Cup m’a permis de me rendre compte que ça m’avait manqué. Je me suis vraiment prise au jeu. Je voulais savoir si j’étais prête à gagner. Ça m’a redonné l’envie ! Je vais jouer d’autres tournois prochainement.
Votre frère, Arnaud Gabas, est arbitre international. Pourriez-vous jouer un match avec lui sur la chaise ?
Non, je n’aimerais pas (rires). Déjà que je n’aime pas jouer contre lui, il joue tout en lift ! S’il m’arbitrait, je serais de mauvaise foi (rires).
© FFT / Cécric Lecoq
Arnaud Gabas, l'une des fiertés de la grande école de l'arbitrage français.