Les traditionnelles 5 minutes d'échauffement avant un match sont très importantes, surtout chez les amateurs. L'ancien joueur pro Rodolphe Gilbert nous explique comment les gérer au mieux.
Le rituel est immuable. Quelques balles échangées du fond de court, quelques volées, "deux-trois smashes s'il te plaît" puis une douzaine de services pour finir, avant de procéder au tirage au sort… Au tennis, l'échauffement d'avant-match est une tradition solidement ancrée qui perdure aussi bien chez les pros que chez les amateurs. Il est même en général capital chez ces derniers, qui n'ont le plus souvent pas tapé la moindre balle avant de rentrer sur le court.L'ancien 61e mondial Rodolphe Gilbert, toujours classé 0 à 53 ans, nous livre ici quelques clés pour gérer au mieux ce "warm-up" et s'en servir comme d'une véritable rampe de lancement pour rentrer dans son match.
1/ Soyez échauffés avant l'échauffement
Soyons honnêtes : combien d'entre nous, joueurs amateurs, consacrons un véritable temps dédié à s'échauffer physiquement avant de rentrer sur le court ? Beaucoup passent même sans transition de la tenue de ville au match ! Evidemment, l'emploi du temps quotidien ne le permet pas toujours mais dans la mesure du possible, mieux vaut éviter ça."Je préconise un échauffement d'au moins 15-20 minutes consacré à un déverrouillage articulaire et musculaire puis un peu de montée en puissance sur le plan cardio, rappelle Rodolphe Gilbert. On voit trop de joueurs qui se servent des premiers jeux comme d'une fin d'échauffement. Mais si on commence à rentrer dans son match avec trois jeux de retard, c'est dommage…"L'échauffement "d'avant-échauffement" va permettre de rentrer dans son match à temps sur le plan physique mais aussi sur le plan mental : c'est aussi une manière de déjà se mettre dans sa bulle.
© FFT / Philippe Montigny
Soignez votre échauffement physique !
2/ Etudiez le profil de votre adversaire
"Personnellement, je consacre environ 70% du temps d'échauffement à étudier l'adversaire et 30% à me focaliser sur mes propres sensations", estime Rodolphe Gilbert.L'erreur souvent commise à l'échauffement est de trop se centrer sur soi-même à essayer de déceler le moindre indice – souvent trompeur – pour savoir si l'on est dans un bon jour ou pas. En réalité, il vaudrait mieux garder ses sens ouverts à ce qui se passe de l'autre côté du filet."Bien souvent, chez les amateurs, on ne connaît pas l'adversaire donc il faut vraiment profiter de ces 5 minutes pour étudier son profil : est-ce qu'il est gaucher ou droitier, grand ou petit, avec un revers à une main ou à deux mains, etc", conseille l'ancien tombeur de Pete Sampras à Miami en 1991 et de Boris Becker à Roland-Garros en 1993.Une fois ce "scan" rapide de l'adversaire effectué, il faut le tester. "Je vais lui envoyer différents types de balles : hautes, basses, slicées, liftées, molles ou plus fortes… A partir de là, j'essaie de collecter des indices qui vont me permettre de décrypter un peu son jeu. Evidemment, on ne peut pas faire une analyse détaillée en cinq minutes. Mais on a une image globale qui peut permettre de déterminer un plan de jeu, au moins pour le début du match."
© FFT / Philippe Montigny
Observez bien votre adversaire et décelez ses faiblesses !
3/ Scrutez-le sous toutes les coutures
Etudier l'adversaire, ce n'est pas simplement essayer d'analyser son jeu. C'est aussi l'observer "physiquement", tenter de décrypter son niveau de stress à travers son langage corporel, par exemple."Je fais toujours très attention à cela, nous confirme le gaucher francilien. Il y a souvent des petits indices qui nous permettent de savoir dans quel état se trouve l'adversaire, et surtout si lui-même s'est bien échauffé ou pas. J'en ai souvent vu certains qui donnaient l'impression de sortir tout juste du lit ! Quand je vois ça, évidemment, cela décuple mon envie de soigner mon entame de match pour le cueillir à froid."Même si l'échauffement ne compte pas au niveau du score, c'est malgré tout le moment où commence le bras de fer psychologique avec votre adversaire. Il faut donc être déjà "dedans".
© FFT / Cédric Lecoq
Observez l'attitude de votre adversaire, s'il est nerveux, même à l'échauffement, vous le verrez !
4/ Soignez vous-même votre première impression
Il est important de renvoyer à l'adversaire une image de vous-même laissant à penser que vous êtes dans de bonnes dispositions. Dans un match de tennis comme dans la vie en général, on est souvent marqué par la première impression que l'on se fait d'une personne. Autant donc qu'elle soit positive."Evidemment, le but de ces cinq minutes est aussi de soi-même s'échauffer tennistiquement donc il faut essayer de varier les frappes, s'appliquer et ne pas faire n'importe quoi, rappelle l'ancien seizième de finaliste à Roland-Garros (1993). J'essaie pour ma part de mettre un maximum de balles dans le terrain, sans frapper de toutes mes forces, notamment au service. Je n'ai pas envie que mon adversaire se dise que je n'en mets pas une dans le court."Evidemment, chacun gèrera la chose à sa manière. Certains, s'ils en ont les moyens, voudront au contraire taper très fort pour impressionner l'adversaire. D'autres chercheront à brouiller les cartes, car il peut y avoir une part de bluff, aussi. L'échauffement, quelque part, c'est une partie de poker.
© FFT / JC
Ayez le regard qui dégage de la confiance et de l'envie, dès l'échauffement !
5/ Imprégnez-vous des conditions de jeu
Last but not least : l'échauffement est aussi ce moment où vous allez vous imprégner des conditions de jeu, qui sont évidemment très changeantes d'un tournoi à l'autre."Les gens ne font souvent pas attention à cela alors que c'est très important, avertit enfin celui qui a remporté deux titres en double sur le circuit ATP. Il faut profiter de l'échauffement pour prendre les repères du court et de tout l'environnement : la météo, les balles, etc. Cela permet de faire quelques réglages. Si les balles sont vives et qu'il y a du vent, on sera par exemple plus prudent sur les premiers jeux."Pour certains, l'échauffement est aussi un sas de transition qui leur permet de faire tomber le niveau de stress : se focaliser sur ces éléments extérieurs peut justement être un moyen d'y parvenir.Quoi qu'il en soit, il s'agit de vraiment optimiser ces cinq minutes. Car comme conclut le joueur du Rueil Athletic Club, "en tennis, il y a tellement d'aspects que l'on ne contrôle pas qu'il ne faut pas être pris en défaut sur ce qu'on peut justement contrôler. Or, l'échauffement, c'est "maîtrisable." Prenez-le donc très au sérieux.
© FFT / Clément Mahoudeau
Glissez, appréciez les conditions de jeu, tâtez le terrain... L'échauffement est aussi fait pour ça !