Dans ce nouvel épisode de "Conseils aux compétiteurs", Richard Gasquet nous explique comment adapter au mieux son jeu dans des conditions venteuses.
"Je suis né dans le vent et j'adore ça. Si on jouait un circuit uniquement dans le vent, je serais top 15/top 20." Richard Gasquet, qu'on ne peut pourtant pas soupçonner de verser facilement dans l'autosatisfaction, avait eu ces mots après sa victoire face à Ugo Humbert lors de l'Open d'Australie 2022 dans des conditions venteuses qui, selon lui, l'avaient beaucoup avantagé.
© Corinne Dubreuil / FFT
La poignée de main entre Richard Gasquet et Ugo Humbert, à l'issue du premier tour de l'Open d'Australie 2022
Normal, le "Mozart de Sérignan" (Hérault) a été formé dans l'une des régions les plus venteuses de France, mais aussi l'une de celles où on joue le plus en extérieur. Ces nombreux matches joués dans un vent à rendre fou un bonze tibétain ont forcément eu une influence sur son jeu, dont les caractéristiques sont aujourd'hui très adaptées aux caprices d'Eole.
Au sortir d'un entraînement à Cincinnati où il a finalement été éliminé d'entrée par Adrian Mannarino après avoir fait l'impasse à Toronto, le désormais 53e mondial nous a donné ses principaux trucs et astuces pour performer dans le vent. Suivez ses conseils : cela pourra peut-être aussi vous permettre de commencer à aimer ces conditions généralement propices aux jurons en tout genre…
1/ Privilégiez la sécurité
C'est la priorité n°1 : dans le vent, il faut oublier le tennis champagne et accepter le fait que votre niveau de jeu sera largement en-deçà de son seuil habituel. C'est d'ailleurs sans doute ce qui peut énerver, mais c'est ainsi et il faut l'accepter, comme l'a fait Richard depuis longtemps en écoutant les vieux sages.
"Agassi avait dit un jour : 'dans le vent, il faut taper moins fort, tout simplement.' C'est très "con", mais c'est vrai. Mettre la balle dans le court, ce n'est pas si facile quand il y a du vent. Il faut donc s'appliquer à le faire en frappant moins fort, en jouant moins près des lignes, bref en prenant moins de risques, surtout si on a le vent dans le dos", rappelle le Biterrois.
Cela va demander un minimum de patience et peut-être d'humilité, aussi, pour accepter le fait de jouer plus "moche" que d'habitude. Mais c'est la base : le précepte selon lequel le tennis consiste à mettre la balle dans le court une fois de plus que l'adversaire est plus vrai que jamais dans le vent.
Au service, même chose : "il vaut mieux essayer de placer et de privilégier son pourcentage de premières balles, car frapper des deuxièmes dans les bourrasques, ce n'est vraiment pas évident. Surtout, il faut réduire un peu son lancer pour éviter que la balle ne soit emportée."
Richard, lui, est aidé par le fait que son lancer est naturellement assez bas. La compacité globale de sa gestuelle est sûrement l'un des héritages de sa formation.
© Nicolas Gouhier / FFT
Richard Gasquet au service, à Roland-Garros 2023
2/ Mettez un peu plus de lift
C'est la suite logique du paragraphe précédent : mettre un peu plus de lift dans vos frappes va vous permettre d'en accentuer la sécurité.
"Pour ma part, j'ai une balle assez liftée que je joue plutôt en contrôle, cela m'aide dans le vent par rapport à des joueurs qui frappent fort et à plat, dont le rythme va être davantage chamboulé", explique l'ancien 7e mondial.
Ce dernier accentue encore un peu plus le "spin" de ses frappes lorsqu'il a le vent dans le dos. Même pas la peine de jouer très long, le vent est un allié : "La balle va être emportée par le vent et remonter plus haut pour forcer l'adversaire à jouer à hauteur d'épaule."
Gêné, celui-ci va être obligé, à un moment, de jouer plus court, et l'occasion vous sera donnée de finir le point, pourquoi pas en venant au filet. Jouer avec "beaucoup de sécurité et de hauteur", c'est la tactique idoine avec le vent favorable. Avec le vent contre, évidemment, c'est une autre histoire. "Là, en revanche, il faut jouer moins bombé, sinon la balle s'arrête. Il va falloir jouer plus à plat et frapper un peu plus fort pour trouver de la longueur. L'amortie peut être une bonne option."
Et quand le vent souffle latéralement, ou pire tourbillonne, c'est encore une autre affaire. Plus que jamais, il faudra adapter son plan de jeu au gré du vent, en usant du slice ou du lift sur les extérieurs. Du côté où le vent l'emportera…
3/ Faites l'effort sur les jambes… et la main
On ne dit jamais assez l'importance des jambes au tennis. C'est encore plus vrai dans le vent, qui rend le placement particulièrement délicat, comme le souligne Gasquet : "Quand ça souffle, la balle peut vous échapper à tout moment, on n'est jamais à l'abri d'une rafale qui surgit pile au moment où l'on s'apprête à frapper. Donc il faut être très vigilant et très pointilleux là-dessus."
L'importance des petits pas d'ajustement prend tout son sens : il s'agit de faire "crisser" le sol jusqu'à ce que la balle soit frappée. C'est un peu plus fatigant, certes. Mais indispensable.
Malgré tous vos efforts, il y aura sans doute de nombreuses situations où vous serez obligé de compenser un placement aléatoire en improvisant des coups. Pour cela, "il faut une bonne main, savoir manier la balle", comme le dit l'ancien double demi-finaliste de Wimbledon, nous rappelant au passage que le vent est le meilleur des exercices pour progresser sur ce point.
"Les joueurs qui ne mettent que des "mines" vont être plus embêtés." En gros, le vent est un bon révélateur du talent. Et c'est sûr que Richard n'en manque pas…
© Corinne Dubreuil
Rafael Nadal, dans le vent à Roland-Garros
4/ Arrêtez de faire du vent un ennemi
"Ça me rend fou, ce vent de m… ! " Parlons-nous franchement : qui n'a jamais hurlé cette phrase, ou quelque chose d'approchant, après une énième faute directe par temps de grand vent ? De toutes les conditions de jeu, qu'elles soient liées à la météo ou à la surface, le vent est sans doute la moins aimée. Probablement, comme on l'a dit, parce qu'il constitue l'obstacle le plus difficile à contourner pour accéder au beau tennis.
Comme toujours, finalement, l'état d'esprit sera donc le plus important pour performer dans le vent. Le "vétéran" biterrois l'avoue : "en réalité, jouer dans le vent, personne n'aime ça et moi non plus, je n'aime pas vraiment. Mais disons que ça me dérange moins que beaucoup..."
Essentiellement parce qu'il sait que ces conditions renforcent ses chances de victoire. Plutôt que de voir le vent comme un élément perturbateur, comme le font la grande majorité des joueurs amateurs, voyez plutôt les choses comme Richard Gasquet : considérez le vent comme un allié qui vous portera plus facilement vers la victoire. Et ce, en respectant les préceptes ci-dessus que votre adversaire, avec un peu de chance, n'aura pas lu.
Rémi Bourrières