Quatre pistes de réflexion pour bien choisir son cordage (et sa tension)

Rémi Bourrières

24 juillet 2024

Dans ce nouvel opus de "Conseils aux compétiteurs", Benoît Mauguin, cordeur de l'équipe de France de Coupe Davis, livre quelques clés pour trouver son cordage optimal, et la tension qui va avec.

Benoît Mauguin préfère prévenir d'entrée : "On ne peut pas donner de conseils tout faits tant il y a de paramètres à prendre en compte. Le plus important pour bien choisir son cordage, c'est, d'abord, de bien se connaître soi-même."

Le cordeur de l'équipe de France de Coupe Davis, qui dirige par ailleurs une société spécialisée dans le tennis, est confronté quotidiennement à une clientèle de compétiteurs chevronnés à la recherche du cordage optimal pour leur jeu. Ce qui équivaut à résoudre une équation à plusieurs inconnues, dont la solution vaut vraiment d'être trouvée : un cordage adapté, à fortiori à la bonne tension, représente en effet un gain énorme non seulement en termes de niveau de jeu, mais aussi – et c'est lié – en termes de prévention des blessures et tout simplement de plaisir.

Reste qu'il n'est pas évident de trouver le cordage qui vous conviendra le mieux. Benoît Mauguin nous aide ici à défricher le terrain en proposant des pistes de réflexions essentielles à prendre en compte.

1/ Monofilament ou multifilament ?

Commençons par le commencement : à moins d'opter pour un boyau naturel, qui demeure un cordage de référence, il faudra d'abord choisir entre l'une de ces deux grandes familles de cordage synthétique. Et votre choix devra être aussi tranchant qu'une de vos accélérations de coup droit : ce sont en effet "deux produits radicalement différents, que ce soit en termes de matériau ou de structure, explique ainsi Benoît Mauguin. Le multifilament est un cordage dynamique, qui se déforme naturellement à l'impact et agit ainsi un peu comme un trampoline. Le monofilament, lui, est une gaine beaucoup plus rigide, qui n'a presque pas de déformation." 

Par sa capacité à générer de la puissance plus facilement et à préserver beaucoup plus les articulations, le "multi", qui a aussi pour avantage de mieux conserver la tension, est logiquement mieux adapté pour les jeunes ou, au contraire, les seniors (entre autres). Le "mono", imbattable en termes de contrôle, fait lui l'unanimité chez les professionnels (parfois en hybride avec un boyau). Autre avantage : il est plus économique, car beaucoup plus solide. Il perd en revanche très vite et très fort en tension, ce qui n'est pas toujours un mal car, trop tendu, il peut effectivement, par sa rigidité, être source de douleurs.

Sinon, une alternative peut donc être le boyau, qui cumule pas mal d'avantages des cordages synthétiques avec toutefois un gros défaut : son coût, beaucoup plus élevé.

© Emilie Hautin / FFT

Quel cordage synthétique pour vous ? C'est la question n°1.

2/ Connaître son jeu, définir ses objectifs… et suivre son feeling

L'âge, le niveau, la technique, le physique… Tous ces paramètres vont rentrer en ligne de compte au moment de choisir un cordage. La difficulté, c'est qu'il existe pour ainsi dire autant de paramètres différents que de joueurs, comme le constate Benoît Mauguin : "Le tennis est un sport extrêmement hétérogène On peut avoir quelqu'un de très costaud qui joue totalement à plat, quelqu'un de très fin qui utilise énormément le poignet, etc. Je vois des joueurs à 15/4 qui cassent beaucoup, d'autres en 2ème série qui ne cassent presque jamais… Bref, il n'y a vraiment aucune règle."

Le premier pas vers le bon choix est donc une bonne connaissance de soi et une parfaite lucidité quant à son jeu (ce qui, avouons-le, n'est pas toujours le cas !). Après, le choix se fera selon vos objectifs de jeu et, bien sûr, votre ressenti. Si vous êtes puissant(e), vous pouvez faire le choix de renforcer d'autant plus votre force de frappe avec un cordage à gros rendement (un multifilament, une jauge plus fine, une tension plus basse…). Ou, au contraire, chercher à canaliser cette puissance avec un cordage plus orienté contrôle (un monofilament, une tension plus élevée…). Sachant que ces objectifs peuvent varier selon les périodes, la surface et la météo (plus il fait chaud, plus la balle va vite du fait d'une meilleure pénétration dans l'air).

Et puis, il y a donc trois autres critères qui seront essentiels pour votre choix : votre propension à vous blesser, votre budget et votre fréquence de casse. "Ça, c'est un indicateur important notamment sur l'effet que le joueur imprime à la balle, poursuit celui qui a aussi été le cordeur personnel de Gaël Monfils ou Maria Sharapova, notamment. Celui qui ne casse jamais a quasiment toutes les offres du marché à sa disposition. Celui qui casse beaucoup devra, en revanche, orienter son choix en fonction."

© Cédric Lecocq / FFT

Surveillez votre fréquence de corde cassée, cela doit vous orienter vers le bon choix.

3/ Tenir compte de l'indissociable couple raquette/cordage

Le modèle de raquette avec lequel vous jouez est également un paramètre très important. Car, plutôt que de cordage, on devrait parler du couple raquette/cordage. Si la raquette est déjà orientée "contrôle", vous devrez choisir le cordage en fonction, selon si vous souhaitez renforcer cette sensation de contrôle ou, au contraire, la contrebalancer en imprimant un levier de puissance additionnel.

Pour Benoît Mauguin, l'évolution des cadres ces dernières années n'a pas joué en faveur des multifilaments. L'explosion du "mono", par un effet (notamment) d'assimilation aux joueurs professionnels, a selon lui poussé les équipementiers à adapter leurs produits : "En raison de leur faible rendement, les monofilaments doivent s'accompagner d'une baisse de tension et d'une manière générale, chez les joueurs amateurs, ça n'a pas été suffisamment le cas, peut-être parce que l'on n'en a pas assez parlé, estime-t-il. En conséquence, les marques ont lancé des cadres permettant de mieux tolérer ces polyesters (monofilament) surtendus, avec des tamis plus grands, un plan de cordage plus espacé… Ces cadres sont moins adaptés aux multifilaments en raison d'une surconsommation de cordage. Mais ça commence à revenir."

Le poids de la raquette, son équilibre, la forme du cadre et le plan de cordage sont autant d'indicateurs qui vont vous permettre de choisir le cordage idoine. Après, c'est comme toujours : ce sera selon vos objectifs, et selon votre feeling.

© Cédric Lecocq / FFT

Le couple cordage-raquette doit être en adéquation.

4/ La tension et la jauge sont deux critères essentiels

La tension, revenons-y, tant elle est tout aussi importante que le cordage en lui-même. Rappelons le grand principe : plus cordage est tendu, plus il permet de contrôler la balle, au détriment de la puissance et du toucher. Libre à chacun de mettre le curseur là où il le souhaite.

Comme le disait plus haut Benoît Mauguin, monfilament et multifilament sont deux produits qui ne doivent pas être comparés, et donc surtout pas être tendus de la même manière. "Pour la majorité des polyesters, l'effet "trampoline" se fait entre 16 et 18 kilos donc selon moi, il ne faut pas les tendre beaucoup plus, explique-t-il. En revanche, on peut largement augmenter la tension d'un "multi" qui, lui, se déforme naturellement à l'impact."

Entre un Jannik Sinner qui tend à 28 kilos et Adrian Mannarino qui descend parfois sous les 10, l'échelle des tensions reste large pour un "mono". Mais cette échelle tend à descendre vers le bas, alors qu'elle a plutôt tendance à aller vers le haut avec les "multi".

Sans imiter ces exemples extrêmes qui sont plutôt réservés à des professionnels, vous pouvez aussi jouer avec la jauge (l'épaisseur) du cordage pour affiner vos sensations. En rappelant que plus la jauge est fine, plus elle permet de générer d'effets et de puissance mais plus elle est fragile. Si vous tenez à jouer avec un monofilament malgré des tendons fragiles, une baisse de la jauge (comme de la tension) peut par exemple être une piste à envisager.

"Aujourd'hui, l'ensemble des cordages à disposition sur le marché permet d'avoir beaucoup de choix quant à l'orientation que l'on souhaite donner à son jeu, conclut Benoît Mauguin. Pour les compétiteurs amateurs, l'idée est souvent de trouver la meilleure alternative possible entre performance et budget maîtrisé. Le mieux est d'essayer mais surtout, au préalable, de se faire conseiller auprès d'un spécialiste compétent."