Dans ce nouvel épisode de nos conseils aux compétiteurs, Fabien Reboul et Sadio Doumbia nous donnent les clés du succès en double.
Former une bonne équipe de double nécessite une énergie subtile entre les deux partenaires, mais aussi des ressorts techniques et psychologiques que nous expliquent les spécialistes français Fabien Reboul et Sadio Doumbia.
Pour reprendre une célèbre tirade des Inconnus, on pourrait se poser la question : c'est quoi, un bon joueur de double ? Mais en réalité, il n'y a pas de bon joueur de double : il n'y a que des bonnes équipes de double.
Bien sûr, il y a des secteurs-clés, principalement le service, la volée et le retour, dont la maîtrise vous permettra d'exceller plus facilement dans la discipline. Mais, quitte à déterrer un vieux poncif des sports d'équipe, ce ne sera jamais seul.
Une alchimie collective est nécessaire, alchimie que Fabien Reboul et Sadio Doumbia ont manifestement trouvée. Un peu dans l'ombre de Nicolas Mahut et Edouard Roger-Vasselin, dont ils n'ont jamais eu le niveau en simple, les deux hommes ont enregistré une magnifique progression cette année qui leur a permis de finir la saison à la 37e place à la Race ATP en double.
Ils nous livrent ici leurs meilleurs conseils pour former une "vraie" équipe de double.
© Nicolas Gouhier / FFT
Fabien Reboul et Sadio Doumbia lors du dernier Rolex Paris Masters
1/ Comment choisir son partenaire ?
C'est là que tout commence. A vrai dire, chez les amateurs, on n'a pas toujours le choix mais autant que faire se peut, c'est mieux d'avoir un partenaire attitré.
Dans l'histoire du double, on a vu des équipes briller avec deux partenaires aux styles très différents et complémentaires. Et d'autres au contraire s'imposer avec un style homogène, à l'instar des n°1 mondiaux actuels Rajeev Ram/Joe Salisbury.
En fait, "il n'y a pas vraiment de règle, estime Sadio Doumbia. Avant même de rechercher une compatibilité de jeux, il faut rechercher une alchimie de caractère. Bien sûr, j'ai senti très vite que Fabien avait de grosses qualités pour le double. Mais si j'ai joué avec lui, c'est d'abord parce que c'est un pote."
Les deux fers de lance du Stade Toulousain, qui ont pour le coup deux profils très différents – avec un Fabien Reboul qui joue en puissance et un Sadio Doumbia plus en finesse -, se connaissent depuis l'enfance et s'ils ne cachent pas parfois quelques tensions sur le terrain, leur amitié fait qu'ils arrivent toujours à passer outre.
Pour Fabien Reboul, c'est d'ailleurs dans les tensions qu'on voit une "vraie" équipe de double. "Chez les pros, on voit souvent des joueurs s'associer par intérêt, on en voit même obtenir de bons résultats mais aux premières difficultés, généralement, c'est là que ça lâche. Finalement, c'est comme au foot : on peut réunir tous les meilleurs joueurs du monde dans une équipe, s'il y a des petits conflits en dehors, ça finit souvent mal. Alors qu'une équipe avec moins de talent mais plus unie aura de meilleurs résultats sur la durée."
© Nicolas Gouhier / FFT
Fabien Reboul et Sadio Doumbia lors du dernier Rolex Paris Masters
2/ Comment choisir son côté ?
Une fois son partenaire choisi, c'est la deuxième problématique. Et là, méfiance du "cliché" consistant à penser que le meilleur coup droit se positionnera à droite et le meilleur revers à gauche (dans le cas d'une équipe de droitiers), ou alors le gaucher à gauche et le droitier à droite. La réalité se révèle souvent bien plus complexe.
Pendant des années, Fabien Reboul et Sadio Doumbia ont ainsi respectivement joué à gauche et à droite. Jusqu'à ce qu'ils changent subitement au début de la saison dernière : le déclic s'est fait aussitôt, avec deux tournois remportés dans la foulée puis la progression exponentielle citée plus haut.
Pour Fabien Reboul, il y a quelques explications purement techniques dans le choix d'un côté : "On voit par exemple que Rafael Nadal, qui a un super coup droit, a toujours joué du côté opposé. Parce qu'il retourne très bien avec son revers et qu'ensuite, il a un excellent décalage coup droit. Dans le choix du côté, il faut aussi penser à son second coup de raquette dans la diagonale ; et savoir par ailleurs de quel côté on va le mieux gérer son point faible."
Il y a donc des ressorts techniques réels, mais il y a aussi beaucoup de feeling. Conclusion de Sadio Doumbia : "il est impératif d'essayer les deux côtés. En général, on verra rapidement où l'on se sent le mieux et où le partenaire se sent le mieux."
© Clément Mahoudeau / FFT
Fabien Reboul à la volée et Sadio Doumbia au fond, lors du dernier Roland-Garros.
3/ Comment se positionner sur le terrain ?
Chez les amateurs, reconnaissons-le, ce positionnement est immuable, aussi bien au service qu’en retour, avec un joueur positionné au fond et l'autre à la volée, côté opposé.
Là aussi, il faut peut-être sortir des sentiers battus et observer ce qui se fait chez les pros même si, bien sûr, la vitesse de jeu n'est pas la même. Au service, Fabien Reboul et Sadio Doumbia se positionnent en "I", avec le volleyeur posté au milieu du court (sur la ligne de carré), accroupi.
"Ce qui est intéressant avec cette formation, c'est qu'elle nous permet de brouiller les pistes et de boucher un maximum d'angles", explique le dernier nommé. "Par contre, c'est plus dur de volleyer comme ça puisqu’on a une vision particulière, avec un placement sous le filet qui va nécessiter de volleyer en mouvement", rajoute Fabien Reboul.
Avantages et inconvénients savamment pesés, à vous de tester ce que vous préférez. Idem au retour : contrairement à ce que l'on voit chez les amateurs (mais moins chez les pros), les deux récents vainqueurs du Challenger de Roanne choisissent de partir tous les deux du fond sur première balle adverse.
"Ça, c'est quelque chose que je conseille même aux amateurs car ça évite de se faire "canarder" au filet : partir à deux du fond, donc, au moins sur la première adverse, pour ensuite prendre le filet dès que possible en fonction du retour", estime Sadio Doumbia. Dont le coéquipier se met là encore au diapason : "en plus, ça met moins de pression au partenaire relanceur : même si le retour est moyen, on peut ensuite tenter de gagner l'échange du fond. Alors que sinon, le partenaire va se faire tout de suite "allumer" à la volée."
© Loïc Wacziak / FFT
Fabien Reboul, à la volée aux côtés de Sadio Doumbia, lors du dernier Roland-Garros.
4/ Comment gérer le service ?
C'est un des coups fondamentaux du double, qui conditionne aussi directement les deux autres que sont le retour puis la volée. Autant donc bien servir, surtout qu'en double, l'exercice est particulier.
"En simple, du moins chez les pros, on recherche quasi-systématiquement le point gratuit alors qu'en double, il faut passer un maximum de premières balles, conseille ainsi Sadio Doumbia. Parce que sur une deuxième balle, on s'expose vraiment. Personnellement, je vise donc un pourcentage autour de 80% de premières, en privilégiant la zone plutôt que la puissance."
A propos de zone, les deux hommes sont d'accord pour dire qu'ils "travaillent" le service au corps encore plus qu'ils ne le font en simple. "Le problème du service à l'extérieur est que, s'il n'est pas décisif, il ouvre les angles et va donner au partenaire une balle particulière à la volée, avec un effet rentrant et un angle assez prononcé, analyse Fabien Reboul. On n'est pas forcément habitués à jouer ce type de volée. Ou alors, si on préfère vraiment servir extérieur, il faut travailler la volée en fonction."
© Nicolas Gouhier / FFT
Fabien Reboul et Sadio Doumbia lors du dernier Rolex Paris Masters.
5/ Comment travailler le double ?
Justement, la volée est peut-être le coup qui nécessite le plus d'être travaillé à l'entraînement si l'on veut exceller en double. Car contrairement au service et au retour qui sont des coups systématiques en simple, la volée, elle, ne l'est pas forcément.
"Or, si l'un des deux joueurs est fébrile à la volée, ça va être très facile d'exploiter ce point faible en insistant dessus", rappelle Sadio Doumbia. "Par ailleurs, le fait de bien volleyer met automatiquement une pression supplémentaire sur le relanceur car il sait qu'il devra être très précis dans sa zone. C'est vraiment un jeu psychologique", rajoute Fabien Reboul.
A propos de psychologie, pour rebondir sur ce que l'on disait au début, la communication entre les deux partenaires reste ce qu'il y a de plus important à travailler. Evidemment, il y a la communication technique. La plus minimaliste consiste au moins à se poser les deux questions de base avant d'engager le point : quelle zone le serveur va-t-il choisir, et de quel côté le volleyeur va-t-il ensuite partir ?
Mais il y a surtout la communication affective entre les deux partenaires, celle qui va permettre aux deux de se mettre dans les meilleures conditions pour performer. Et celle-ci n'est jamais si simple, même pour des joueurs qui se connaissent parfaitement.
"Il faut trouver le bon dosage entre parler et ne pas parler, savoir à quel moment il faut encourager son partenaire ou au contraire le laisser dans sa bulle", avise Sadio Doumbia. "Quand je suis moins bien, j'aime bien recevoir quelques conseils mais il ne faut pas non plus que le match vire à la séance de coaching, sinon on ne joue pas, conclut Fabien Reboul. En fait, je crois que le gros de la communication doit se faire en dehors, lors du débriefing d'après-match."
C'est d'ailleurs bien souvent là, autour d'un verre, que l'on décèle ses réelles affinités avec son partenaire de double.
Rémi Bourrières