Dans ce nouvel épisode de "conseils aux compétiteurs", Fabrice Martin, récemment demi-finaliste en double à l'Open d'Australie, nous explique les principaux écueils du smash, et comment (tenter de) les éviter.
Dans le jargon tennistique, on appelle ça un "Djokosmash", un terme humoristique un peu abusif car nous serions nombreux à signer pour avoir la même qualité de smash que le n°1 mondial. Mais vous voyez l'idée : combien de fois peut-on entendre, aux abords d'un court, un cri de frustration émanant d'un joueur qui vient de boiser, d'écraser ou de "bâcher" un smash en apparence facile, alors que le court était ouvert.
Facile, vraiment ? En réalité, le smash est ce qu'on pourrait appeler un faux-ami : un coup que l'on frappe exclusivement en position offensive, donc théoriquement pour finir le point. Raison pour laquelle on ne se donne pas le droit de le rater. Alors qu'il y a beaucoup de raisons de le faire si l'on n'y met pas les ingrédients nécessaires.
© Corinne Dubreuil / FFT
Le Bayonnais Fabrice Martin, 36 ans, ancien 22e joueur mondial de double (228e en simple) et récemment demi-finaliste de l'Open d'Australie aux côtés de Jérémy Chardy, nous révèle ses petits secrets sur ce coup dont il est un excellent spécialiste, du haut de son 1,99 m et du fait de sa longue pratique du service-volée.
© Paul Zimmer / FFT
Fabrice Martin a souvent fait équipe avec Jérémy Chardy en double.
1/ D'abord, quelques rappels des bases techniques
Techniquement, le smash est un coup très proche du service, et doit donc se frapper "avec la même prise de raquette qu'au service", comme le rappelle en préambule Fabrice Martin. C'est-à-dire une prise marteau, voire légèrement fermée.
Ensuite, le plan de frappe doit se situer le plus haut possible et légèrement devant soi, là encore comme au service. "Bien sûr, cela dépend aussi de la difficulté du smash que l'on doit exécuter mais dans la mesure du possible, même si je dois aller chercher la balle assez loin, j'essaie toujours de la frapper devant ou de rebasculer vers l'avant avec les abdos si je dois sauter en arrière, précise le joueur. A partir du moment où l'on frappe la balle derrière la tête, l'épaule ne peut plus passer et l'on est obligé de faire un bras roulé." Et si l'on essaie quand même de mettre de la puissance, la faute est quasiment inévitable…
En fonction de la zone depuis laquelle la balle est frappée, mais aussi bien sûr selon sa taille, il ne faut pas se contenter de "claquer" la balle vers le sol ; il faut également la projeter plus ou moins horizontalement. Et si la balle est suffisamment haute, mieux vaut la laisser rebondir, ce qui rendra l'exécution du coup plus facile.
Enfin, c'est toujours bon de le rappeler : le smash est un coup comme un autre, c'est-à-dire qu'il nécessite la même exigence de placement et de concentration qu'un autre, même s'il semble "facile" (il ne l'est jamais vraiment…).
Le Bayonnais confirme d'ailleurs avoir eu lui-même pas mal de difficultés dans sa jeunesse sur ce coup. "Même pour un grand, ça n'était pas terrible car j'avais du mal à me reculer vers l'arrière et donc à bien me placer. J'ai travaillé là-dessus et également sur mon bras libre, en insistant sur le rôle de l'index de ma main gauche pour "viser" la balle. Quand le bras gauche est stable, le corps est mieux gainé."
On l'aura compris, sur le plan physique, le smash est un coup qui requiert une solide ceinture abdominale.
© Cédric Lecocq / FFT
Détente et gainage, deux points clés d'un smash réussi
2/ Quelles sont les zones à privilégier ?
Cela dépend déjà de votre intention tactique et peut-être de votre gabarit. "Personnellement, comme j'ai la chance d'être grand et puissant, je cherche la plupart du temps à finir le point directement ; pour cela je privilégie une zone courte, juste avant la ligne de carré de service, afin que la balle rebondisse et passe par-dessus le défenseur", détaille celui qui vit et s'entraîne à Nîmes.
Mais tout le monde ne mesure pas 1,99 m et n'a pas la qualité de bras pour claquer un smash aussi définitif. Sauf en cas de smash tout près du filet, d'autres vont donc plutôt chercher à travailler l'adversaire et conclure en deux temps. Dans ce cas, une zone plus longue peut être une option intéressante "car même si le défenseur est dessus, c'est quand même difficile de tirer un passing dans ces conditions donc on peut envisager de finir au coup suivant."
Au niveau de la direction, la zone extérieure (décroisée) est a priori la zone préférentielle. En tout cas, "c'est la zone la plus naturelle car la pronation du poignet liée à la prise de raquette oriente la main dans cette direction au moment de la frappe." En plus de cela, dans le cas (le plus fréquent) d'un droitier contre un droitier, la balle prendra ainsi la direction du revers adverse.
Bien entendu, la variété doit toujours rester le maître-mot et il faudra donc chercher aussi parfois la zone croisée, "un peu plus risquée car il faut slicer légèrement la balle". Mais sur un point important ou dans un moment de tension, il faut mieux rechercher la zone la plus sûre. Logiquement, donc, à l'extérieur.
© Philippe Montigny / FFT
3/ Quelles sont les difficultés principales de ce coup en apparence "facile" ?
Nous y voilà. Sur le plan purement technique, le smash n'est pas un coup plus compliqué qu'un autre et tendrait même à être plus simple étant donné qu'il est exécuté, généralement, dans une situation favorable.
Non, le souci principal du smash serait plutôt d'ordre mental. Peut-être parce que, comme on l'a dit, on ne se donne pas suffisamment le droit de rater. Mais aussi parce qu'il s'agit d'un coup qui laisse beaucoup de temps pour cogiter, ce qui n'est jamais très bon au tennis.
"La difficulté du smash, c'est qu'il y a une espèce de temps mort avant le geste, pendant que la balle est en l'air, confirme celui qui a gagné six titres pros dont un Challenger en simple dans sa carrière, et sept en double sur le circuit principal. Or, c'est précisément pendant ce temps d'attente que l'on peut se mettre à "cogiter", spécialement dans un moment de tension. C'est donc la gestion des nerfs qui peut poser problème plus que l'exécution elle-même du smash que vous pouvez rater sur un point important alors que vous le réussirez neuf fois sur dix à l'entraînement."
Et puis, l'autre problématique est liée aux conditions changeantes dans lesquelles on doit frapper son smash. "Chez les amateurs, il y a parfois très peu de smashs à jouer et l'on doit soudainement regarder en l'air alors que cela fait une heure qu'on a le regard fixé droit devant soi. Tout d'un coup, les repères changent et avec le soleil ou la lumière, on peut les perdre totalement. Chez les pros, pour peu que l'on joue dans un grand stade, c'est un paramètre en plus. C'est pour cela que je passe toujours beaucoup de temps à l'échauffement avant le match pour prendre mes repères, surtout en double où le smash est un coup capital."
© Philippe Montigny / FFT
Comme Fabrice Martin, Arthur Rinderknech connaît l'importance du placement pour réussir un smash.
4/ Comment y remédier ?
Scoop : par le travail. Or, pour rebondir sur la dernière phrase de Fabrice Martin, le smash est curieusement le coup sur lequel on s'entraîne le moins. Souvent, il se limite aux "deux-trois lobs" réclamés à son adversaire pendant les cinq minutes d'échauffement avant le match. Et c'est tout. Après, il ne faut pas s'étonner de craquer sous la pression…
"Le conseil principal que je donnerais au joueur amateur en difficulté au smash, c'est donc d'aller faire une heure de panier avec l'entraîneur du club, conclut Fabrice Martin, qui confesse avoir lui-même fait énormément d'exercices de courses spécifiques en pas croisés pour progresser sur ce coup. Il n'y a pas de secret : si vous enchaînez les smashs à l'entraînement, vous serez plus en confiance pour les frapper en match."
Reste à gérer cet aspect mental pour lequel il n'y a évidemment pas de recette magique, mais malgré tout une parade assez simple pour ne pas trop "subir" : "Personnellement, je me focalise uniquement sur mes jambes, mon placement. C'est vraiment la seule chose à laquelle je pense. C'est un coup sur lequel il ne faut pas trop réfléchir : si les appuis sont bien stables, pour peu que l'on ait une technique de base correcte, normalement, ça déroule. Et ça suffit à gagner le point."
Simple comme un smash à un mètre du filet, non ?