Dans ce nouvel épisode de "conseils aux compétiteurs", Fabien Vol (moniteur de tennis) et Ségolène Berger (ancienne joueuse professionnelle) nous dévoilent leurs secrets pour briller dans les catégories seniors.
En quelque sorte, Roger Federer, jeune retraité à 41 ans, a récemment montré la voie, dans laquelle sont en train de s'engouffrer ses acolytes du Big Three, Novak Djokovic (35 ans) et Rafael (36 ans), ainsi que des millions de pratiquants : oui, il est possible de continuer à jouer son meilleur tennis, voire de progresser encore, à un âge considéré comme très avancé dans la vie d'un sportif.Comment ? Nous avons posé la question à l'ancienne joueuse professionnelle Ségolène Berger (photo, 44 ans), qui est un peu la Rafael Nadal des Championnats de France seniors puisqu'elle a gagné cette épreuve en 2013, 2015, 2016 (35 ans), 2018, 2019, 2020 et 2022 (40 ans) à Roland-Garros ; ainsi qu'à Fabien Vol (51 ans), enseignant, auteur de la chaîne Youtube "Progresser au tennis" et double demi-finaliste des Championnats de France 50 ans ces deux dernières années.
1/ Cultivez le plaisir
Prendre plaisir à jouer, c'est clairement la base pour durer. Mais le plaisir - comme l'amour - se cultive, même pour le plus chevronné des passionnés. "Après, chacun va trouver son plaisir différemment, soit dans la dépense énergétique, soit dans une découverte technique, soit dans la variété tactique ou encore autre chose, précise Fabien Vol. Le plus important reste de trouver le "truc" qui va entretenir votre motivation et vous pousser à continuer d'être dans une recherche de progression permanente."Le plaisir, tel est bel et bien aussi le moteur qui continue de propulser Ségolène Berger (elle est d'ailleurs licenciée au TC Plaisir…), pourtant loin d'avoir la dose d'entraînement de sa grande époque mais qui continue, grâce à ses acquis et son amour du jeu, d'avoir le niveau nécessaire pour battre une joueuse classée en 1ère Série (l'Espagnole Angela Fita Boluda), en novembre dernier lors des Championnats de France Interclubs de Pro B."Je dirais même que je ne joue aujourd'hui que pour le plaisir, explique celle qui fut 180e mondiale à son meilleur à 20 ans, en 1998. J'accepte mieux de moins bien jouer lors de certains matches et surtout, je continue de découvrir certaines choses sur mon jeu. Je me stresse aussi beaucoup moins, parce que l'enjeu est moindre. Et je conserve un relâchement du haut du corps qui me permet de pouvoir encore pratiquer le tennis que j'aime, agressif et dans le terrain."Même bien après 40 ans, on a tous en nous cette âme d'enfant qui ne demande qu'à s'amuser.
© FFT / Christophe Guibbaud
Prenez du plaisir sur le court, et pas seulement dans la victoire !
2/ Faites évoluer votre jeu
Voilà un point que tous les "quadras" (et plus) doivent avoir en tête pour garder foi en leur jeu : plus les années passent, plus la technique pure s'améliore, même si celle-ci est bien sûr corrélée à un certain niveau physique qu'il faut savoir conserver (on y reviendra).Ségolène Berger a beau avoir connu son meilleur classement il y a près d'un quart de siècle, elle vient tout juste aujourd'hui de découvrir un axe de progression au niveau du service. "J'ai réalisé que ma position des pieds n'allait pas, j'étais trop de face au départ du geste. J'ai travaillé pour décaler mes épaules et être mieux positionnée de profil. Résultat : j'arrive mieux à toucher les zones extérieures et même à avoir plus de vitesse."L'enseignante au Comité de Seine-Saint-Denis peut ainsi s'appuyer davantage sur la filière de jeu rapide qui a toujours été la sienne. Raccourcir les échanges est d'ailleurs une piste souvent privilégiée quand le déclin physique se fait sentir...Fabien Vol, de son côté, se sent encore suffisamment en forme pour cultiver la filière du fond de court qu'il affectionne. Mais lui aussi est dans cette recherche d'un tennis toujours plus tranchant et de pistes nouvelles pour s'améliorer. Quitte à parfois faire des changements radicaux."Il y a cinq ans, alors que j'ai toujours joué mon revers à deux mains, je suis passé au revers à une main. Je pensais qu'en vieillissant, je serais moins rapide et donc pas assez précis sur mon placement pour jouer à deux mains. C'était aussi pour faire plus de points gagnants. Au bout du compte, tout cela m'a donné un nouvel axe de progression, donc de motivation."N'hésitez pas, vous aussi, à faire évoluer votre jeu, en fonction de l'évolution de votre physique et aussi (surtout) de vos envies.
© FFT / Marine Andrieux
Quelques évolutions techniques sont possibles, comme le passage d'un revers à deux mains vers le une main.
3/ Rappelez-vous que vous êtes plus fort dans beaucoup de domaines
Aux arts martiaux, on n'accède au titre de grand maître qu'à compter d'un certain âge très avancé. Pourquoi les années devraient être, au tennis, synonymes de handicap, voire de déchéance ? Bien au contraire, le physique excepté (quoi que…), le temps qui passe ne peut être qu'un prétexte à vous bonifier dans tous les autres domaines. A l'instar, par exemple, d'un Rafael Nadal, qui maîtrise aujourd'hui tous les coups du tennis à la perfection – ce qui lui permet de moins courir, au passage -, alors qu'on lui prêtait pas mal de lacunes techniques dans ses jeunes années."A 44 ans, je pense être une meilleure joueuse tennistiquement qu'à 20 ans, estime également Ségolène Berger. J'ai compris plein de choses que je n'avais pas assimilé quand j'étais sur le circuit, où l'on a un peu la tête dans le guidon et pas forcément la maturité nécessaire. Tactiquement, je me suis amélioré, parce que je réfléchis davantage au lieu de taper à droite, à gauche comme je le faisais avant. Mentalement aussi, je suis plus sereine. Mon leitmotiv, désormais, c'est de ne plus avoir de regrets sur le court. J'ai perdu tellement de matches en ayant l'impression de ne pas avoir assez osé…" Tout en constatant une baisse au niveau de la puissance musculaire et de ses facultés de récupération, Fabien Vol, lui aussi, estime être "un joueur plus complet et plus solide qu'à 20 ans". "Sur le plan technique, notamment, mon service est plus efficace que dans ma jeunesse. Tactiquement, je joue plus juste. Et j'ai fait un gros travail sur le plan mental pour débloquer certaines pensées parasites logées dans mon subconscient qui se répercutent automatiquement sur la gestuelle, parce que le subconscient est relié au corps. C'est ce travail qui m'a permis d'atteindre les demi-finales du Championnats de France."Répétons-le encore : techniquement, mentalement et tactiquement, si la passion est toujours là, vous devez logiquement être plus fort à 40 ans qu'à 20 ans...
© FFT / Pauline Ballet
rafael Nadal s'approche des 40 ans, mais il a encore récemment progressé au service et il continue de gagner. Une source d'inspiration ?
4/ Passez du temps à entretenir la machine
On en arrive au sujet le plus sensible lorsque l'on prend de l'âge : le déclin physique. Celui-ci est peut-être inexorable, mais il existe de nombreux moyens de le repousser, ou en tout cas de l'atténuer, jusqu'à des limites toujours plus lointaines. A condition, évidemment, de se donner du temps, et des moyens, comme le fait Fabien Vol qui, à 51 ans, n'a pas l'âge de ses artères. Son secret ? "Je fais beaucoup plus de physique qu'avant, cela représente environ 30-40% de mon entraînement désormais, révèle l'entraîneur du Ô Tennis Club, à Montpellier. Et quand je dis physique, cela englobe du cardio, des étirements, du yoga… J'ai également fait un travail au niveau de l'œil et la proprioception. Je fais tout ce qui est possible pour rester en forme. En fait, j'ai une approche beaucoup plus holistique qu'avant. Cela demande évidemment plus d'investissement qu'à 20 ans."Même son de cloche chez Ségolène Berger : "Si j'étais à nouveau dans une volonté de performer à l'année, ce serait clairement mon axe de travail prioritaire. Je ferais beaucoup plus de séances physiques adaptées sur le terrain. Evidemment, cela prend du temps et si l'on a un travail très prenant, c'est plus difficile. Mais si l'on parvient à trouver le temps de s'entretenir physiquement, à partir du moment où la motivation est là, il n'y a aucune raison que l'on ne puisse pas continuer de progresser même après 40 ans."
© FFT / Marine Andrieux
Entretenez-vous physiquement, évidemment !
5/ Prenez un matériel plus adapté
C'est une priorité, à laquelle on ne pense peut-être pas assez. Etant donné que la puissance et la tonicité musculaires déclinent avec le temps, il ne faut pas hésiter à changer pour du matériel plus adapté, comme Roger Federer par exemple l'avait fait en "switchant" pour une raquette avec un plus grand tamis dans ses dernières années.L'idée est de dégager de la puissance plus "facile" et il y a plusieurs pistes pour cela : augmenter la taille de son tamis, donc, prendre une raquette plus rigide (les plus souples étant les plus difficiles à jouer) ou tout simplement baisser la tension de son cordage, solution adoptée par Ségolène Berger.Fabien Vol, lui, a mis à profit ses compétences en physique-chimie pour se lancer dans la customisation personnelle de ses raquettes. "J'ai quatre raquettes pour lesquelles, en jouant sur le rajout de plomb à des endroits du cadre bien choisis ou du silicone dans le manche, je fais en sorte qu'elles aient toutes exactement le même poids et la même inertie. J'ai aussi adopté un cordage plus souple et baissé la tension. A force de tests, j'ai fini par trouver le dosage qui me convient le mieux l'an passé."A 50 ans, donc... Et l'on ne soupçonne pas forcément l'immensité des vertus d'avoir un matériel bien adapté à ses propres spécificités.La contrepartie d'un équipement plus confortable, en tout cas générant de la puissance plus facile, est une perte de contrôle. Mais normalement, à cet âge-là, avec tout le bagage technique et la meilleure maîtrise émotionnelle que vous avez accumulés au fil de votre carrière, vous contrôlez déjà parfaitement votre tennis, non ?(Rémi Bourrières)
© FFT / Corinne Dubreuil
Avant de prendre se retraite professionnelle, Roger Federer avait effectué un changement de raquette remarquée et efficace lors de ses dernières années sur le circuit.