Dans ce nouvel épisode de « Conseils aux compétiteurs », nous vous invitons à partir à la découverte du classement français, dont la publication depuis plus d’un siècle suscite toujours autant de passion.
C’est une institution et même plus que ça : un mythe ! Instauré après la Première Guerre Mondiale par la Commission de Lawn-Tennis, l’ancêtre de la FFT, le système du classement français passionne et agite depuis plus d’un siècle le microcosme du tennis tricolore, dont il constitue une spécificité mondiale, même s’il peut aussi être parfois générateur de stress.
Autrefois calculé à la main au terme d’un véritable conclave qui pouvait durer des jours, le classement est devenu informatisé en 1972, élaborant par la suite son fameux système de calcul algorithmique. Sa dernière grande réforme a été faite en octobre 2022, avec un classement désormais mensuel établi sur la base des résultats d’une année glissante, et non plus de l’année sportive en cours.
Mais malgré toutes ses (r) évolutions, le classement français a, dans le fond, gardé ses principes fondamentaux. Nous les explorons ici avec l’aide de Cassandre Thebault, membre du service classement de la FFT et… elle-même dotée d’un excellent classement !
1) Il découle directement du système de comptage des points
Aux origines de l’histoire du tennis français, il existait de nombreux tournois par handicap mettant en lice des joueurs de valeurs très différentes. A partir d’une valeur « étalon » fixée à 0, la Commission de Lawn-Tennis estimait la valeur des autres joueurs et leur attribuait un handicap en fonction : dans un set, un joueur classé 1/6 partait un jeu sur six avec un avantage de 15-0 (ou 0-15), le 2/6 deux jeux sur six, etc.
Très fourni au tout début, le nombre des échelons s’est ensuite réduit… pour s’élargir à nouveau au gré de l’augmentation des joueurs. Ainsi, il a existé dans le passé des échelons que l’on ne trouve plus aujourd’hui (Max Decugis, le premier n°1 français, était par exemple classé -30/3 à la publication du classement originel). Et vice-versa : de nouveaux échelons se sont créés avec le temps, surtout en bout de chaîne, le classement 40 (en 2008) étant le dernier d’entre eux.
Aujourd’hui, comme chacun sait, on retrouve 25 échelons de classement répartis en quatre séries.
Les précisions de Cassandre Thebault : « Pour le premier classement électronique de 1972, on trouvait dix échelons (30, 15/4, 15/2, 15, 4/6, 2/6, 0, -3/6, -15 puis 1ère Série), et il y avait 5 114 classés. Tous étaient référencés sur papier. D’ailleurs, ces archives nous sont encore bien utiles : l’informatique n’ayant pas pu tout consigner, il arrive que des compétiteurs d’un certain âge nous signalent que leur meilleur classement indiqué sur Ten’Up n’est pas correct. Grâce aux archives, on peut alors vérifier et corriger. »
2) Il vient de passer la barre des 400 000 membres
Que de chemin parcouru depuis la parution du premier classement français ! A l’époque, on recensait environ un millier de noms, dont 20% de femmes. Depuis, la proportion de joueuses a légèrement monté et le nombre total de classés, lui, a explosé : à la publication du dernier classement ce mardi 7 mai 2024, il y a précisément 406 848 classés, dont 312 612 hommes et 94 236 femmes. La barre des 400 000 membres a été passée en mars dernier.
Le nombre de compétiteurs, donc de classés, est bien sûr illimité. Ils sont hiérarchisés selon une structure pyramidale, de plus en plus resserrée au fur et à mesure que l’on se rapproche de l’élite. A partir d’un certain niveau, la FFT se réserve d’ailleurs la possibilité de déterminer une sorte de "numerus clausus" garantissant le parfait respect de cette forme pyramidale.
Les précisions de Cassandre Thebault : « La 4ème et la 3ème série représentent la grande masse des compétiteurs et il y a tellement de monde que la pyramide se fait naturellement. A partir de la 2ème série, c’est moins le cas. Nous nous assurons donc qu’il n’y ait jamais, par exemple, plus de -15 que de 0, ce qui ne serait pas logique. C’est ce qui fait que parfois, à quelques points près, on peut être harmonisé à un certain échelon une année mais pas celle d’après. »
3) Oui, on peut descendre de plus d’un échelon
L’un des principes connus du classement français est l’impossibilité de descendre de plus d’un échelon par saison. C’est vrai la plupart du temps… sauf exceptions.
Il y a deux cas de figure où l’on peut être pénalisé d’un échelon supplémentaire : si l’on présente un trop grand nombre de WO (forfaits) dans son bilan (cinq WO pour 40 matches disputés, six entre 41 et 60 matches, sept au-delà) ; et, pour les 2ème Série, si l’on présente un résultat trop négatif (-100... et moins) dans sa fameuse équation V-E-2I-5G, où (désolé pour les non-matheux) :
V = nombre total de Victoires
E = nombre de défaites à échelon égal.
I : nombre de défaites à un échelon Inférieur.
G : nombre de Grandes défaites (deux échelons ou plus en dessous).
Si on cumule les deux pénalités, on peut donc bien descendre de deux échelons dans une même saison, et même de trois si l’on est en 2ème série.
Les précisions de Cassandre Thebault : « Le ratio victoires-défaites existe depuis longtemps mais il est devenu beaucoup plus élaboré et précis avec le V-E-2I-5G. Hormis le cas de figure extrême évoqué, ce ratio est en fait plus une récompense pour ceux qui jouent bien qu’une pénalité pour ceux qui jouent moins bien : s’il est élevé, il permet en effet d’augmenter le nombre de victoires prises en compte dans le calcul de son classement, donc d’avoir plus de points. »
4) Il propose des bonus parfois méconnus
Tout d’abord, des points supplémentaires sont accordés pour tout match gagné aux Championnats de France ou Championnats de Ligues individuels qualificatifs à un Championnat de France, selon un barème évolutif (15 points par victoire en 4ème série, 20 points en 3ème Série et 25 points en 2ème Série). A ce bonus s’ajoutent des primes au résultat - là encore évolutives - aux Championnats de France, ainsi qu’une prime aux vainqueurs des Championnats de Ligue.
Il y a par ailleurs des bonus accordés pour « absence de défaite significative » (pas de défaite à son classement ou classement inférieur), moyennant un nombre minimal de matches disputés (10 en 2ème et 3ème série, cinq en-deçà).
Enfin, depuis 2019, les victoires en double sont également comptabilisées pour le calcul du classement de simple, encore et toujours selon un barème évolutif.
Les précisions de Cassandre Thebault : « Il y a également un bonus pour les vainqueurs des Championnats de Comité, mais seulement 3ème et 4ème série. En 2ème série, les meilleurs sont souvent directement qualifiés, donc absents. En dehors de ces Championnats, les titres dans les autres tournois ne sont plus bonifiés comme par le passé.
Le bonus lié au double, lui, a été mis en place en 2019 pour promouvoir la discipline et pour éviter que certains ne le jouent pas à fond dans le cas, par exemple, d’un match « pour du beurre » lors d’une rencontre par équipes. »
5) Il existe de nombreux dispositifs de blocage ou de protection
L’un des plus importants concerne les joueuses de retour de grossesse, dont le classement, si elles en font la demande, sera bloqué pendant 18 mois à partir de l’arrêt de la compétition, et ce quel que soit le niveau.
Les retours de blessure ou de maladie font, eux, l’objet d’une facilité de reclassement : à partir de 5 mois d’arrêt (dont 12 semaines consécutives) au cours des 12 derniers mois, il est désormais possible de réintégrer son ancien échelon aussitôt après avoir obtenu un certain nombre de victoires à cet ancien classement (ou mieux évidemment) : deux fois pour les 3ème et 4ème série, trois fois pour les 2ème série, cinq fois pour les numérotés.
La FFT a pris également des dispositions pour détecter les célèbres « sous-marins », ces joueurs et ces joueuses qui, après une longue période d’inactivité, repartent avec un classement bien inférieur à leur réel niveau. Outre un principe de descente atténuée à la troisième année d’absence, elle a créé le statut de ND (« Non Déterminé ») pour tous les compétiteurs qui ont été classé(e)s au moins 30/2 et qui n’ont pas joué le moindre match pendant au moins cinq saisons : s’ils souhaitent faire leur retour, ces ND sont dans l’obligation de faire une demande de reclassement.
Les précisions de Cassandre Thebault : « Auparavant, les absences pour blessure ou maladie pouvaient également faire l’objet d’un blocage de classement. Mais on a changé car on estime que, quand on a dû s’arrêter un certain temps pour raisons médicales, il est logique d’avoir perdu un classement à la reprise. En fait, tous les cas sont très différents et l’on essaie de tout prendre en compte. Cela donne un système extrêmement précis et complexe, mais c’est cette précision du classement qui nous permet de pouvoir organiser aussi bien nos compétitions et nos écoles de tennis. »