Manuel Absolu et Maxime Aimée sont respectivement arbitre de chaise et juge de ligne. Ils évoquent leurs expériences sur le terrain mais également les liens entre ramasseurs et corps arbitral.
Est-ce que vous pouvez vous présenter ?
Manuel Absolu : Moi, c'est Manuel, j'ai 31 ans. J'ai fait mon premier "Roland" en 2008 et je n'en ai pas raté depuis, donc c'est le... 15e, c'est ça ? Plus jeune, quand j'avais dans les 12 ans, j'ai été ramasseur de balle aux Internationaux de Strasbourg pendant quelques années. J'ai fait les sélections pour Roland-Garros mais je n'avais pas été pris... Puis j'ai commencé l'arbitrage quand j'avais 15 ans.
Maxime Aimée : Maxime, j'ai 20 ans et je suis juge de ligne ici pour la 2e fois. J'ai participé à Roland-Garros en tant que ramasseur en 2015. À l'époque j'avais 12 ans, c'était la première fois où je faisais les sélections, et j'ai été pris. Je n'avais jamais été ramasseur avant, j'avais vu des amis le faire, et ça m'avait tenté. Avec ma sœur, on a été tous les deux pris sur une même édition.
Manuel : Oui, je me souviens ! Il y avait eu un reportage sur ta sœur, et toi. Vous étiez très bons dès la première année !
Maxime : J'aurais bien aimé continuer en tant que ramasseur, mais ce n'était pas possible dû à l'école notamment. J'ai raté les éditions suivantes, mais j'avais envie de revenir à "Roland" et d'être sur le court de nouveau. Et sur le court, il y a les joueurs, les ramasseurs et... les arbitres. Donc je me suis dit que ça pouvait être une solution pour vivre de cette passion, de passer les différentes étapes afin d'être juge de ligne. Et c'est ce qui s'est passé l'année dernière.
Arbitres, juges, ramasseurs... Comment travaillez-vous ensemble ?
Manuel : Le lien est différent selon le tournoi. Le ramasseur de balle est aussi important que l'arbitre sur un court de tennis. Sans lui, le match n'aurait pas du tout la même fluidité.
Il y a des tournois comme Roland-Garros où les ramasseurs sont tellement "professionnels" que l'arbitre de chaise ne s'en occupe quasiment jamais. Ils savent exactement ce qu'ils ont à faire. On surveille du coin de l'œil mais on laisse rouler.
Ramasseur... Ce n'est pas juste "on envoie la balle de droite à gauche". Il y a la vitesse d'exécution des mouvements. Parfois, un ramasseur a quatre balles dans la main, celui au filet le voit et vient récupérer des balles. Ils ont une capacité d'analyse de la situation. Sur le terrain, ce sont des ados, mais j'ai l'impression qu'ils arrivent à analyser la situation comme des adultes.
Dans d'autres tournois, les ramasseurs sont un peu moins formés et on doit plus intervenir : on doit leur demander de faire attention au placement, d'aller chercher une balle. C'est plus prenant, ça nous demande plus de concentration.
Vous échangez avec eux parfois sur le terrain ?
Manuel : En fait, à Roland-Garros, les ramasseurs connaissent le boulot à la perfection, ils récitent leur partition On ne descend pas sur le terrain, on ne leur parle jamais. Sauf éventuellement pour faire une petite blague au changement de côté, discrètement, pour faire sourire. J'aime bien ces petits moments : si je vois un ramasseur qui a un petit raté sur un roulé, je lui dit "eh, tu penses que personne n'a vu ton raté, mais moi j'ai remarqué". Ça dédramatise et ils aiment bien.
Maxime : En tant que juge de ligne, on n'a pas trop d'interactions car c'est l'arbitre de chaise qui s'occupe de toute la communication sur le terrain. Mais un petit sourire, une petite blague quand on se croise... C'est discret et ça fait du bien.
Manuel : On est content que chacun fasse bien son travail et de voir que chacun évolue dans son domaine. C'est cool de voir des ramasseurs changer de situation et devenir arbitre. C'est une belle façon de continuer "à vivre le tennis".
Avez-vous des anecdotes sur votre expérience à Roland-Garros ?
Maxime : Je me souviens de mon premier jour sur le court central, je "ramassais" Tsonga à l'époque. J'étais vraiment stressé. Jo est rentré et il m'a checké. Ça m'a fait du bien. C'était anodin comme geste, mais ça avait lancé ma journée dans le bon sens.
D'une manière générale, c'est assez stressant comme activité. La ponctualité est hyper importante. C'est de l'excitation. Ce n'est pas un concours où on la boule au ventre, c'est un bon stress.
Manuel : Roland-Garros, c'est juste le tournoi qu'on attend, celui sur lequel on a grandi, qu'on a regardé tous les ans à la télé. Ça a une saveur particulière, avec tout cet environnement qui nous est familier. On se retrouve, comme dans une grande famille. Quand ça s'arrête, il y a toujours un sentiment particulier, un peu nostalgique. Comme une ambiance de fin de vacances...(Recueilli par Emmanuel Bringuier)