Enseignant, formateur, inventeur, collectionneur... Pierre Garnier s’est forgé un parcours tennistique très dense qu’il a enrichi au fil des années grâce à une curiosité et un goût de l’échange aiguisés. Sans oublier cette passion du tennis qui ne l’a jamais quitté.
Au TE Dompierroise (Vendée/Pays-de-la-Loire), Pierre Garnier, 62 ans, enseigne toujours entre 25 et 30 heures par semaine. Classé en 2e série depuis près de 40 ans, il dispute aussi avec son club les compétitions par équipes. Le reste du temps, il invente des concepts, enrichit sa collection de raquettes, crée des objets, forme des enseignants, en initie d’autres, partageant notamment sa connaissance sur les préférences motrices. Passionné depuis ses premières balles, Pierre Garnier a vécu mille vies tennistiques. Avec, comme point de départ, une envie tenace de fuir l’école et les études, liée à celle toute aussi forte... d’enseigner : "La particularité, c’est que j’habitais dans un établissement scolaire car mes parents étaient enseignants. Mais l’école, ce n’était pas mon truc ! À côté de ça, je pratiquais l’athlétisme et paradoxalement, j’ai voulu très vite enseigner, mais sans être prof d’EPS. Or le tennis était le seul sport où facilement, avec une petite formation, on pouvait enseigner professionnellement. Je m’y suis donc mis et j’ai progressé. On pouvait passer le BE à 15/2, je l’ai fait en candidat libre en 1982 et je l’ai eu sans être, selon moi, véritablement formé, ni compétent."
Si le tennis lui est donc tombé dessus par hasard, la passion a été immédiate et l’aventure a démarré au TC Baumette d’Angers, et avec la ligue des Pays-de-la-Loire qui propose à Pierre Garnier d’encadrer un sport-étude régional à La Pommeraye-sur-Loire. « Joël Tricaud, qui était CTR, m’a fait confiance et il a continué à me former. Je lui dois beaucoup », précise-t-il. Puis en 1990, le club phare de La Roche-sur-Yon, le Tennis Entente Yonnaise, le débauche comme directeur sportif. Le projet est ambitieux et plaît à celui qui a entre temps passé son BE2 et est déjà axé sur les préparations physique et mentale, à une époque où cela reste encore très confidentiel. L’objectif du club est d’être le meilleur formateur de la ligue, et il est rapidement atteint, avec en point d’orgue un titre national aux Interclubs 15/16 ans filles décroché par Julie Hervé et Lucile Mohand-Saïd en 2006.
Un premier succès pour Pierre Garnier, pour qui le rôle de l’enseignant est avant tout de révéler le potentiel de chacun, quel que soit le niveau. "Mon moteur, c’est potentialiser les possibilités du joueur, insiste-t-il. Un gamin, on doit révéler son potentiel et lui permettre d’aller jusqu’au bout de celui-ci : 15/1, -4/6, peu importe... Cette capacité à révéler le potentiel, c’est la vraie valeur ajoutée de l’enseignement. On n’est pas là pour faire de l’animation comme c’est parfois le cas. Et c’est important, car plus l’enfant sera bon et autonome dans sa pratique, plus il sera fidélisé."
"Les préférences motrices, c’est réapprendre aux profs à faire attention à leurs élèves"
Son intérêt pour les préférences motrices lui vient sans doute aussi de cette vision du métier. Le Vendéen se déplace dans sa ligue ou à la demande dans les clubs pour transmettre et former à cet outil. "C’est ce qui m’a permis à un moment donné de ne pas quitter l’enseignement, de me relancer et de devenir un peu plus compétent, confie-t-il. Écouter son corps avant sa tête : c’est simple, mais ça bouscule beaucoup de méthodes. Sur chaque exercice, l’idée est d’adapter les conseils en fonction des profils. Ce qui est valable pour l’un ne l’est peut-être pas pour celui d’à-côté. Il faut bien sûr tenir compte des fondamentaux, mais ensuite il y a la consigne collective qui est le jeu, et les consignes individuelles qui sont les préférences motrices. Quelque part, c’est aussi réapprendre aux profs à faire attention à chacun de leurs élèves."
S’il a autant à dire sur le sujet, c’est aussi parce que Pierre Garnier s’intéresse à l’évolution du tennis, à son histoire. À tel point qu’il possède aujourd’hui une impressionnante collection rassemblée dans une pièce de sa maison. Il a lu tous les livres qui jonchent ses étagères – 150 environ –, en a apprécié certains plus que d’autres. Comme celui de Suzanne Lenglen, écrit avant-guerre et dans lequel “la Divine” évoque déjà l’importance de la préparation physique. Tout autour, près de 500 raquettes de toutes tailles, formes et matériaux, ornent les murs. Là aussi, Pierre Garnier connaît leur histoire, de la plus vieille en queue de poisson datant de 1898 à celle avec laquelle Nicolas Escudé, en 2001, avait inscrit le point de la victoire en finale de Coupe Davis.
Il précise qu’il n’est pas nostalgique mais passionné, à 360 degrés. D’où notamment ce souhait que la Fédération se penche davantage encore sur les préoccupations actuelles des enseignants, afin que sa profession retrouve un lustre d’antan qu’il ne trouve plus vraiment d’actualité : "Quand j’ai commencé, on vivait bien. Là, c’est plus difficile. J’ai toujours conservé ma passion et je pense que je mourrai avec. Mais les jeunes qu’on forme pourront-ils avoir cette même passion tout au long de leur vie ? J’ai des jeunes collègues passionnés, on les a entraînés, on les a formés, ils ont passé leurs diplômes. C’est super, mais vont-ils pouvoir faire ça jusqu’à 60 ans ? Ça, je ne sais pas."
En attendant, lui fourmille toujours d’idées. Après avoir inventé et breveté il y a quelques années du matériel d’entraînement sous sa marque P.G. by MartySports, il vient de se lancer dans la création de couteaux de collection à partir de manches de raquettes. Le tennis est partout, dans tout ce qu’il touche. Et ça ne risque pas de changer.
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