Jocelyn Devilliers : "J'aimerais beaucoup être un ambassadeur du pickleball"

Baptiste Blanchet

7 août 2024

Actuel 17e mondial en double et 14e en simple (ex-n°2) sur le circuit PPA, Jocelyn Devilliers mène une carrière de joueur professionnel aux États-Unis. Présent lors du tournoi de Roland-Garros pour animer des séances d'initiation, le Français originaire de Touraine souhaite également contribuer au développement de la discipline dans son pays d'origine.

Pouvez-vous résumer votre parcours ?

Je suis né à Rosny-sous-Bois, dans le 93, puis j'ai déménagé en Touraine dans le petit village de Montrésor. À l'âge de 14 ans, je suis parti en Espagne pour le tennis, alors que j'étais classé 1/6. J'ai fait mes études et passé mon bac dans l'Académie de Sergi Bruguera. Grâce à mon classement espagnol, j'ai obtenu une bourse dans une université du Kansas, à Wichita State. J'avais un niveau décent en tennis mais pas suffisant pour gagner ma vie. J'ai également été sparring-partner lors de l'US Open en 2017 et 2018, j'ai joué des matchs par équipes aux États-Unis et tenté une première carrière sur le circuit pro qui s'est écourtée car j'ai eu mon premier enfant. C'est là que j'ai découvert le pickleball.

Justement, parlez-nous de cette découverte...

Aux États-Unis, ce sport est très populaire. D'après les dernières statistiques, il y aurait 14 millions de compétiteurs et 60 millions de personnes qui ont essayé. En 2020, quand j'ai débuté, c'était beaucoup moins développé. Mais pour être totalement honnête, je ne voulais pas trop l'approcher car je me disais : "je suis joueur de tennis, ce petit terrain n'est pas pour moi, j'ai de la technique, je suis un peu trop bon pour pratiquer le pickleball" (sourires).

Mais en fait, quand je l'ai vraiment découvert, j'ai trouvé ça extraordinaire, multi-génératioinnel car des gens de plus de 80 ans, voire 90, disputent encore des tournois. On passe un super moment malgré les différences de niveau car elles se voient beaucoup moins qu'au tennis. Bref, je suis tombé amoureux. J'aime cet aspect social, le fait que tout le monde puisse jouer, puisse devenir bon assez rapidement, un peu comme aux échecs. Tout le monde peut y jouer, progresser, mais tout le monde ne peut pas devenir un maître. C'est pareil au pickleball.

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Jouez-vous en compétition en simple et en double ?

Oui, il y a trois spécialités principales qui se jouent en compétition. Le double mixte est le plus populaire aux USA, avec le double messieurs et le double dames, le simple étant plus complexe. Je participe aux trois disciplines. En tant qu'ancien joueur de tennis, on se redécouvre dans un nouveau sport, dans lequel on peut continuellement progresser. Cela fait quatre ans que je pratique à plein temps aux États-Unis. Il y a un circuit pro, le PPA, un peu similaire à l'ATP avec un classement annuel et une Race. On a 25 tournois annuels et il faut en disputer entre 16 et 18. On arrive à en vivre. Je dirais qu'il faut être dans le top 20 pour bien en vivre. Les meilleurs mondiaux, dans le top 5, peuvent dépasser le million d'euros annuel en Prize money. Aux États-Unis, il y a beaucoup de tournois qui peuvent rassembler jusqu'à 5 000 participants, attirer de nombreux sponsors. Il s'agit d'un sport reconnu, ce n'est pas encore le cas en France, mais ça va le devenir.

Comment s'entraîne-t-on ? Quelle est la préparation physique nécessaire ?

Beaucoup de choses changent car les mouvements sont très différents par rapport au tennis. Le tennis est plus basé sur l'endurance et l'explosivité, alors que le pickleball se fonde entièrement sur l'explosivité, le côté cardio, car on n'a que 10 secondes entre les points. Les échanges sont particulièrement physiques et rapides. Ça ressemble plus au squash, par exemple. Je fais deux heures d'entraînement le matin, deux heures l'après-midi, j'ai mon entraînement physique en plus, soit 5-6 heures de travail quotidien auxquelles s'ajoute ma phase de récupération, ce qui donne une vie très cadrée.

Est-ce une discipline qui expose le corps à certaines blessures spécifiques ?

Comme il faut rester très bas sur les appuis car on est très proche du filet, on bouge beaucoup latéralement, les zones les plus sollicitées sont le fessiers, les hanches, les adducteurs et les genoux. Donc on constate pas mal de blessures sur les chevilles, les hanches ou le bas du dos. Les épaules un peu aussi. On constate également quelques tennis elbow, ce qui explique que je porte une protection sur l'avant-bras, d'autant qu'on joue beaucoup de matchs dans la journée, trois ou quatre par exemple, plus qu'au tennis. C'est aussi quelque chose qui change la donne sur le plan physique et mental.

Un ancien tennisman comme Jack Sock joue sur le circuit...

Il est effectivement à plein temps sur le circuit, fan de la discipline. Il a été un très bon promoteur de notre sport, qu'il a adopté après sa carrière. Je l'ai joué quelques fois, il est très bon en simple (actuel 10e mondial, ndlr) alors qu'en double ou en mixte, il a encore un peu de mal à comprendre toutes les stratégies. Mais c'est un athlète vraiment complet qui nous aide pour que le sport soit encore plus compétitif. Il y a beaucoup d'ex-joueurs de tennis comme Donald Young, Eugénie Bouchard, Sam Querrey, même John Isner, qui a joué deux ou trois fois et ne peut pas servir au-dessus de l'épaule ! Mais c'est aussi là qu'on voit qu'un passé de tennisman ne se traduit pas nécessairement par le fait d'être très bon directement au pickleball. Pour cela, il faut apprendre les stratégies et avoir une bonne main.

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Donc vous vivez entre la France et les États-Unis ?

Ça fait maintenant dix ans que je suis aux États-Unis. Je vis au Kansas, avec mes trois enfants et ma femme, Aleksandra Trifunovic, de son nom de jeune fille, ancienne 977e WTA et qui pratique de pickleball pour le fun. J'essaie de revenir régulièrement en France pour rendre visite à ma famille, à mes parents, grands-parents, frères et soeurs, qui sont un peu partout. Et peut-être plus maintenant que ce sport se développe. J'aimerais beaucoup en être un ambassadeur. J'ai hâte de voir la progression que la discipline va avoir grâce à la FFT.

Qui sont vos tennismen préférés et quels sont vos loisirs ?

J'ai eu la chance de jouer avec pas mal de champions, notamment Rafa avec qui j'ai tapé la balle comme sparring à l'US Open, devenant du coup un grand fan de l'Espagnol. Djoko c'est un peu dur de ne pas être fan vu que ma femme est Serbe, d'autant qu'il a une carrière incroyable. Parmi les Français, j'ai toujours eu un faible pour Monfils, Tsonga, Gasquet et Simon car j'ai grandi en les regardant jouer. J'attends impatiemment la nouvelle génération avec Moutet, Van Assche. J'adore jouer au tennis de temps en temps et skier, ce qui n'est pas toujours simple ni recommandé, mais aussi le cinéma et voyager. Tout ceci fait partie de mon quotidien.