En tennis-fauteuil, on retrouve des profils très différents et les clés de la progression "varient selon le parcours de chacun". Guilhem Laget (25 ans, 24e mondial) a raison de le préciser en préambule : dans le paratennis et notamment dans le tennis-fauteuil, on retrouve des joueurs et des joueuses au parcours de vie et aux handicaps très différents. Il n’y a donc pas de chemin tout tracé vers le succès. Simplement des pistes à explorer.
Ksénia Chasteau (17 ans, n°1 mondiale juniors) était par exemple classée 15/3 chez les valides avant de se tourner rapidement vers le "fauteuil" à la suite d’un accident et d’une amputation. Charlotte Fairbank (32 ans, 26e mondiale), devenue paraplégique à la suite elle aussi d’un accident survenu à l’adolescence, n’avait pour sa part jamais touché une raquette auparavant, même si elle pratiquait d’autres disciplines. Tout comme Guilhem Laget (25 ans, 24è mondial), paralysé au niveau d’une jambe dans son enfance en raison d’un virus.Tous les trois, avec leur vécu bien spécifique, ont néanmoins pour point commun d’avoir réussi à se frayer rapidement un chemin jusqu’aux portes de l’élite mondiale, et tenteront cette année de se qualifier pour les Jeux Paralympiques de Paris. Membres du Pôle France tennis-fauteuil créé en janvier 2023 au CNE (Ksénia a intégré le Pôle cette année), ils nous expliquent les grands fondamentaux à respecter dans une discipline toujours en plein essor.
© Guilhem Laget; pensionnaire du Pôle France tennis-fauteuil depuis deux ans.
1/ Être toujours en mouvement avec le fauteuil
Le tennis-fauteuil et le tennis valide, c’est la même chose : un sport de raquette, d’accord, mais avant tout un sport de déplacement. Or, si courir est une chose naturelle, le déplacement en fauteuil ne l’est pas et tous ceux qui s’y sont essayés peuvent témoigner de la difficulté extrême de la chose."Le maniement du fauteuil, c’est la base, c’est primordial et c’est ce qui m’a posé le plus de problème pendant deux ou trois ans, témoigne Guilhem, qui a dû apprendre la chose en même temps que les rudiments du tennis puisqu’il n’est pas (ou rarement) dans un fauteuil dans la vie de tous les jours. Aujourd’hui, après huit ans de pratique, je le travaille encore beaucoup, avec des exercices spécifiques."Ceux qui sont dans un fauteuil depuis leur enfance auront bien sûr, globalement, plus de facilités dans l’art du "rouling" par rapport aux autres. Mais manier le fauteuil est une chose, encore faut-il le faire à bon escient. "La clé, c’est d’être tout le temps en mouvement pendant l’échange et d’anticiper les trajectoires", rappelle Charlotte.Pour cela, il faut savoir lâcher prise et ne pas hésiter à faire des cercles, quitte à tourner (souvent) le dos au terrain adverse. "Au début, j’ai eu beaucoup de mal avec ça car en valide, on ne perd jamais l’adversaire des yeux, témoigne Ksénia. C’est un mécanisme à prendre, tout comme le fait de devoir très souvent choisir un côté même sur un coup "normal" car en fauteuil, il est plus difficile de changer de trajectoire au dernier moment."
2/ Soigner les entames de point
Comme au tennis valide, le service et le retour sont deux coups primordiaux mais pour des raisons un peu différentes. "Comme on est plus vulnérables au service, on peut prendre l’avantage dès le retour et beaucoup de points se jouent ainsi très vite, explique Guilhem. J’ai d’ailleurs l’impression que c’est de plus en plus le cas. Entre le moment où j’ai commencé et aujourd’hui, le jeu est devenu très agressif. Désormais, ça se joue beaucoup en trois ou quatre frappes de balle."Il faut donc, comme en conclut Ksénia, "apporter beaucoup de rigueur sur les entames de points : le service, le retour et la première frappe." Mais il faut aussi être prêt, derrière, à tenir l’échange : car si la différence n’est pas faite sur les premiers coups de raquette, la règle du double rebond tend, ensuite, à favoriser les longs rallyes.Le service est d’autant plus important à travailler que c’est souvent un coup problématique en fauteuil, particulièrement pour ceux dont le handicap touche les muscles abdominaux, comme c’est le cas de Charlotte. "C’est vraiment le coup qui m’a posé le plus de problèmes et je le travaille encore énormément aujourd’hui", confirme cette dernière.Les breaks sont plus nombreux au tennis-fauteuil et il est indispensable de mettre l’accent sur ce coup afin de se protéger un maximum de l’agression adverse.
© Le retour de service est l'un des coups clés au tennis-fauteuil.
3/ Trouver le bon compromis entre patience et agressivité
C’est peut-être un peu paradoxal avec ce qui vient d’être écrit mais si le tennis-fauteuil tend – comme le tennis valide – à devenir de plus en plus agressif, il nécessite néanmoins d’être patient et de savoir tempérer ses ardeurs."En valide, j’étais une joueuse qui venait beaucoup au filet mais j’ai vite compris que c’était plus compliqué en fauteuil, où l’on ne monte en général que pour finir le point", explique Ksénia."En fait, on voit beaucoup de volées liftées, plus que chez les valides je pense, précise Guilhem. A l’échange, il faut travailler l’adversaire avec des trajectoires très hautes et saisir la balle courte pour finir le point. Moi, à la base, je suis un joueur de fond de court et j’essaie de garder cette base mais en travaillant sur les prises de balle précoces, un domaine dans lequel excelle un Stéphane Houdet par exemple."Savant mélange entre assauts très agressifs et échanges à rallonge, le tennis-fauteuil ne pardonne, en tout cas, aucune erreur de calcul sous peine d’être pris à défaut d’un mauvais positionnement sur le terrain qui serait immédiatement sanctionné. Attaquer, oui, mais se lancer à l’abordage, non.C’est aussi le constat dressé par Charlotte : "Personnellement, je suis plutôt une attaquante mais j’essaie d’être plus patiente, de ne pas me précipiter sur toutes les balles, de me donner plus de temps. La patience, à tous les niveaux, c’est vraiment très important au tennis-fauteuil."
© Charlotte Fairbank, une "attaquante patiente".
4/ Ajuster ses prises et ses préparations
Si les sensations de frappe sont "inchangées" entre le tennis valide et le tennis-fauteuil, comme en témoigne Ksénia, il y a néanmoins quelques ajustements à faire au niveau des préparations notamment."En coup droit, chez les valides, j’avais une préparation « bras tendu » qui s’est vite avéré problématique en fauteuil. J’ai beaucoup travaillé pour changer ma gestuelle et raccourcir ma préparation au maximum car il y a beaucoup moins de temps."Le tennis-fauteuil, qui est déjà suffisamment complexe au niveau du déplacement et de la tactique, nécessite plus que jamais de simplifier au maximum ses frappes. Et requiert aussi quelques coups spécifiques, comme le fameux revers inversé, un revers joué en prise coup droit avec la paume de la main dirigée vers le terrain adverse."C’est un coup qui permet d’aller plus vite, car il n’y a pas de changement de prise, et aussi de trouver plus de hauteur car on peut monter le coude plus facilement", explique Charlotte, laquelle fait toutefois partie de celles qui jouent le plus souvent son revers avec une gestuelle de valide.Quoi qu’il en soit, le revers à deux mains est évidemment proscrit en fauteuil et cela peut-être un des problèmes pour ceux qui le jouaient ainsi en valide, comme Ksénia. "Au début, c’était bizarre, ça partait beaucoup dans le filet. Et puis, j’ai appris et aujourd’hui, le revers est devenu mon meilleur coup."Un coup primordial, là encore, car difficile à maîtriser, probablement plus encore qu’en valide.(Rémi Bourrières)
© Ksénia Chasteau et Charlotte Fairbank ont pour objectif les Jeux de Paris 2024.
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