Titulaire d’un badge d’or depuis 2009, Damien Dumusois fait partie du cercle fermé des meilleurs arbitres au niveau international. Dimanche dernier, le natif du Creusot a arbitré pour la première fois de sa carrière la finale messieurs de Wimbledon. Le Français évoque son ressenti sur cette rencontre, ses objectifs, et ses conseils pour la jeune génération.
Vous avez arbitré dimanche dernier la finale simple messieurs de Wimbledon pour la première fois de votre carrière. Quand avez-vous appris la nouvelle et comment vous y êtes-vous préparé ?
J'ai été mis au courant jeudi dans la journée. Je me suis alors dit qu’il me restait trois jours pour me préparer ! Pour ce genre d’évènements, il y a quelques détails qu’il faut gérer en plus, notamment au niveau des procédures, des protocoles, de l’équipe de juges de ligne, des photos. Qui plus est, on doit savoir où est ce qu'il faut se placer, à quel moment il faut aller chercher sa récompense - car on reçoit une médaille à la fin du match. A Wimbledon, l'arbitre est également invité au dîner des champions, il faut donc essayer un smoking. Le mien m'allait bien… mais ça fait bizarre !
Comment avez-vous vécu le match ? La blessure de Marin Cilic a-t-elle été compliquée à gérer ?
J’ai essayé d’en profiter un maximum. C'est un peu le conseil qu'on m’a toujours donné et que je souhaite donner à la nouvelle génération : il faut en profiter, de l’ambiance, de l'endroit... Sur ces courts centraux de Roland-Garros ou de Wimbledon, c'est assez magique. A Londres, c'est aussi spécial, car on ressent vraiment l'histoire du tennis. Il faut garder en tête que cela ne sera pas tous les jours comme ça.
Concernant la blessure, cela fait partie du jeu. Elle a été un peu plus mise en lumière car elle est intervenue en finale d'un Grand chelem. Mais pour nous, ce genre de choses arrive toutes les semaines. C'est une blessure, le kiné intervient, il soigne le joueur…. Cela influe forcement sur le jeu mais il ne faut pas en tenir compte dans notre métier.
A Roland-Garros, vous avez déjà arbitré la finale dames en 2010, puis les finales messieurs en 2012, 2015 et 2016. La préparation est-elle la même à Londres et à Paris ?
En l’occurrence, les techniques d'arbitrages sont différentes à cause de la surface. Il y a le hawk-eye à Wimbledon. Comme je le disais, les préparations et les façons de fonctionner sont différentes pour les finales. A Wimbledon, c’était ma première, donc il faut aller se renseigner, partir à la pêche aux informations, demander aux arbitres qui l’ont déjà fait comment ça se passe… Quand on arbitre une troisième finale à Roland-Garros, on a une certaine habitude, donc tout va plus vite. De mon côté, j'avais déjà arbitré la finale de double messieurs en 2014 à Wimbledon, et j'avais aussi fait la demi-finale Federer-Raonic de l’an dernier. Donc je connaissais le court central de Londres, j'avais un bon aperçu du terrain. Ces matchs étaient en peu une préparation – éventuellement, car on n’est jamais sûr d’y arriver un jour – pour une finale de simple. Arbitrer une telle rencontre reste toujours un moment exceptionnel.
Comment se déroule la vie d’un arbitre lors d'un Grand chelem, en dehors des matchs ?
On a une "deadline" pour se rendre sur les lieux en fonction de l'horaire de notre match. En général, un arbitre n’arrive pas en tenue au stade donc il va rapidement aux vestiaires pour se changer. Il se repose entres les matchs s'il en a plusieurs. Il ne finit son travail avant 8h / 8h30.
Après cet interlude londonien, quel est votre programme pour la suite de la saison ?
Je retourne sur le circuit hommes, car je suis employé par l'ATP. Après Wimbledon, j’ai bénéficié d'un jour de repos donc j'ai pu changer de valises ! Je pars ce mardi pour Umag, en Croatie, et j'enchaîne sur Gstaad, en Suisse. Il y aura ensuite 15 de jours de repos avant de partir pour les tournois de Cincinnati et de Winston-Salem.
Votre CV commence à être bien rempli... Il vous reste des objectifs dans votre carrière ?
Il en reste toujours ! J'ai vécu mon premier Masters à Londres l'an dernier. L’objectif est d'y retourner régulièrement, car pour nous, à l’ATP, c'est la compétition principale. Et puis pourquoi pas un jour faire la finale du Masters ?
Quel regard portez-vous sur l’arbitrage français ?
Je ne veux évidemment pas faire de chauvinisme… mais certains disent que l’arbitrage français est le meilleur du monde, et ils ne sont pas loin d’avoir raison. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : sept badges d'or, deux employés à l'ATP, Pascal (Maria) à l'ITF, Kader (Nouni) à la WTA... Cette année, Renaud (Lichtenstein) a fait la finale dames à Roland-Garros. Il y aussi une belle génération qui arrive derrière, ainsi qu’une excellente formation à la base pour les A1, A2. Ajoutez à tout cela un gros suivi de la Fédération au niveau international, et vous avez une somme de rouages qui donne de très beaux résultats. Nous essayons également d'aider les jeunes qui arrivent sur le circuit, de les orienter, afin qu’ils ne répètent pas nos erreurs, et tout cela fonctionne très bien.
Justement, quels conseils donneriez-vous à un jeune qui veut se lancer dans l’arbitrage ?
De finir ses études, puis de faire un peu d'arbitrage le weekend et pendant les vacances pour se faire plaisir. Et si elle ou lui veut se lancer, on verra comment cela se passe. Ce n'est pas une carrière "normale" : tout le monde n'y arrive pas et n’en vit pas, donc il faut avoir une porte de secours si ça ne fonctionne pas. Avoir quelque chose à côté, mentalement, cela permet d'être plus libre et de se mettre beaucoup moins de pression.
Comment êtes-vous entré dans le monde du tennis ?
J'ai dû commencer vers 7 ou 8 ans. Papa jouait au tennis et maman était secrétaire du club de Montchanin. C'était un sport de famille, ambiance petit club, les copains, les rencontres par équipes… Aujourd’hui, la Fédération organise le Trophée national du jeune arbitre, mais à l'époque, cela s’appelait le concours du jeune arbitre. J'y suis allé car des arbitres l’avaient fait dans mon département et le club avait besoin de personnel pour les rencontres par équipes. Ça m’a plu tout de suite. J'ai mis le nez dedans… et j'y suis toujours !
(Propos recueillis par Emmanuel Bringuier)
En bref :
Damien Dumusois
Né le 2 juillet 1979 au Creusot (Bourgogne)
Meilleur classement au tennis : 15/3