Quatre bénéfices pour une femme de jouer contre un homme (et vice-versa)

Rémi Bourrières

11 mars 2025

Dans ce nouvel opus de Conseils aux compétiteurs, nous abordons les bénéfices de l’entraînement mixte, un sujet à la mode et une pratique bien plus courante que l’on croit, notamment à haut niveau.

Vous en avez sûrement entendu parler. La n°45 française Pauline Payet, ancienne 577ème joueuse mondiale, fait le "buzz" actuellement sur sa chaîne youtube où elle propose une série de vidéos intitulées "Pauline vs men", dans laquelle elle joue des matches face à des hommes d’un classement crescendo, pour voir jusqu’où elle peut gagner.

Rafraîchissantes et souvent instructives, ces vidéos ont aussi le mérite de contribuer à faire tomber certains clichés encore latents et de décloisonner le tennis dit "masculin" et "féminin", quand il s’agit surtout d’un seul et même sport, régi par les mêmes règles et par les mêmes équipements.

A haut niveau, il est fréquent que les joueuses fassent appel à des hommes pour s’entraîner. Pauline Parmentier (une autre Pauline…), ancienne 40e mondiale, désormais responsable des projets féminins associés à la FFT, et Hugo Lecoq, ancien entraîneur d’Amélie Mauresmo et sparring-partner de l’équipe de France de Billie Jean King Cup, désormais CTR de la Ligue de l’Essonne, nous parlent des bénéfices que l’on peut en tirer, de part et d’autre du filet.

1) Cela augmente le panel de partenaires possibles

C’est un peu bête dit ainsi, mais c’est la première des (bonnes) raisons. C’est surtout vrai pour les femmes, qui représentent cette saison 29,3% des licenciées FFT et qui, en s’ouvrant à la pratique et même la compétition mixte, font ainsi plus que tripler leur nombre de partenaires possibles.

A haut niveau, on l’a dit, c’est monnaie courante. "Quand j’étais sur le circuit ou en équipe de France, on faisait souvent venir des hommes pour disputer des sets d’entraînement. J’avais un niveau équivalent environ à - 2/6, même si cela dépend beaucoup du style de jeu, raconte ainsi Pauline Parmentier. On le fait toujours aujourd’hui. Au CNE, il y a un groupe de garçons 2008/2009, classés négatifs, qui s’entraînent régulièrement avec les meilleures Françaises lorsqu’elles viennent se préparer ici."

La question de l’équivalence classement doit bien sûr être prise en compte pour le choix des partenaires, mais elle n’est pas non plus forcément primordiale. Car jouer avec un partenaire du sexe opposé repose, on va le voir, sur d’autres bénéfices que la pure confrontation sportive.

© Rémi Chautard / FFT

La pratique mixte permet notamment aux femmes de trouver plus facilement des partenaires de jeu ou même des adversaires.

2) Cela permet de se confronter à d’autres problématiques technico-tactiques

C’est l’un des grands intérêts de la mixité. Même s’il ne faut évidemment pas généraliser ni caricaturer, les hommes et les femmes ont souvent des qualités différentes, un tennis plus puissant et avec plus d’effets pour les uns (surtout au service), une régularité et une précision très affinées pour les autres.

"De par leur physique, les hommes ont une meilleure couverture de terrain, ce qui oblige la joueuse à frapper un peu plus fort, à jouer plus près des lignes, bref à mieux construire son point pour le gagner, résume Hugo Lecoq. Elle travaille ainsi une qualité de balle qui lui sera particulièrement bénéfique en match contre d’autres filles."

"A l’inverse, les filles sont très régulières, renchérit Pauline Parmentier. Faire des gammes avec une fille de bon niveau, c’est souvent un régal : c’est précis, ça ne rate pas, c’est capable de donner la même balle quasiment tout le temps pendant toute la durée de l’exercice. Pour un garçon, c’est très agréable. En fait, cela permet de travailler des choses différentes, dans les deux sens. Il n’y a pas les mêmes problématiques, ce que soit au niveau puissance ou tactique."

Et c’est bien cette confrontation des styles qui crée la richesse d’un entraînement mixte, d’un côté comme de l’autre.

© Pauline Ballet / FFT

Sous la conduite de l'entraîneur Pauline Parmentier, l'équipe de France de Billie Jean King Cup a souvent compté dans ses rangs un sparring partner masculin, comme ici en Grande-Bretagne avec Tristan Lamasine.

3) Cela renforce le sens et l’intensité des séances

La pratique mixte, comme on l’a dit plus haut, aura d’autant plus d’intérêt qu’elle permet de travailler des points bien spécifiques, que ce soit tactique ou physique. Ce sont donc des entraînements qui ont du sens, et dans lesquels les deux partenaires sont souvent très investis.

"Quand je m’entraînais avec des garçons, je devais m’accrocher car la cadence était plus soutenue et les séances plus cardio, se souvient l’ancienne huitième de finaliste de Roland-Garros. Pour une fille, l’exigence doit être plus haute au niveau de la concentration, de la précision et du physique."

Pour un garçon aussi car, lorsqu’il joue avec une femme d’une force équivalente, c’est que celle-ci est mieux classée, donc plus aguerrie aux exigences du niveau supérieur. "Quand je tapais avec Mauresmo, Pierce, Golovin, j’étais encore -15 mais il y avait en face une intensité de concentration et une régularité dans la précision que je ne retrouvais pas quand j’affrontais des hommes à 0, se souvient Hugo Lecoq. Avec Amélie, sur les surfaces rapides notamment, c’était de vrais gros combats. Elle me proposait des schémas plus variés que la plupart des hommes de mon classement. En ce sens, c’était bénéfique pour moi aussi."

© Corinne Dubreuil / FFT

Sous le maillot de l'équipe de France, Pauline Parmentier s'est souvent entraînée elle-même face à des hommes, à haute intensité.

4) C’est souvent beaucoup plus fun

On en revient aux vidéos de Pauline Payet, qui a (logiquement) exécuté tous ses premiers adversaires classés en début de troisième série, mais dans une ambiance toujours restée bon enfant. Vous en connaissez beaucoup, vous, des joueurs qui encaissent une double roue de bicyclette en ne sauvant que quelques petits points et repartent malgré tout avec un grand sourire ? C’est aussi l’un des intérêts de la pratique mixte : pour une raison ou une autre, elle apporte une forme de légèreté qui rend les entraînements d’autant plus agréables.

"Sur le circuit, quand on joue entre filles, il y a toujours un peu de rivalité, un peu de tension et ce côté émotionnel n’est pas toujours facile à gérer, souligne Pauline Parmentier. Au moins, quand on joue contre un garçon, on n’a rien à perdre et on se prend moins la tête. Quelque part, on ressent moins de jugement."

"C’est vrai que pour des raisons psychologiques, ce n’est pas toujours évident pour les filles de s’entraîner avec des rivales, abonde Hugo Lecoq. Maintenant, préparer une compétition, c’est aussi se confronter à cet inconfort, à cet aspect émotionnel. Je pense donc que l’entraînement mixte doit s’inscrire dans le cadre d’une programmation ou d’un travail bien précis."

De par leur fonction actuelle, Pauline comme Hugo sont d’accord sur un point : jouer avec un homme quand on est une femme, oui, mais pas systématiquement. "Il faut mixer les deux", disent-ils de concert. Pour le coup, c’est le cas de le dire.

© Christophe Guibbaud / FFT

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