Cinq méthodes efficaces pour mieux gérer son stress d’avant-match

Rémi Bourrières

20 février 2025

Dans ce nouvel opus de "Conseils aux compétiteurs", nous nous attaquons à un problème qui touche tous les joueurs de tennis, de tout niveau : le stress d’avant-match.

Il peut être plus ou moins intense, plus ou moins nocif, mais une chose est sûre : il est toujours là. Le stress est le compagnon de voyage de tous les joueurs de tennis, absolument tous, que l’on soit n°1 mondial(e) ou le 30/1 du coin. Indépendamment du niveau et des enjeux, il rôde à tous les coins de match et s’en va parfois comme il est venu, parfois non. Quoi qu’il en soit "celui qui dit qu’il ne stresse pas avant un match est un menteur", résume Luca Van Assche.

Le stress est donc une émotion "normale", humaine, liée essentiellement à la part d’inconnue que recèle un match de tennis. Et n'allons pas croire qu’il ne touche pas les champions. Souvenons-nous par exemple de la crise d’angoisse racontée par Stan Wawrinka avant de disputer la finale de l’US Open 2016 contre Novak Djokovic : "Je tremblais dans les vestiaires et, cinq minutes avant d’entrer sur le terrain, je me suis mis à pleurer…". Sauf que le Suisse avait tout de même réussi à bien jouer. Et à gagner.

Admirable, mais pas si étonnant. N’oublions pas qu’à l’origine, le stress est une réponse physiologique de l’organisme à un traumatisme, ou une peur, qui lui permet de mettre tous ses sens en éveil. Il est donc une condition essentielle et préalable à toute performance, qu’elle soit sportive ou artistique. A condition d’être bien canalisé, et c’est bien là tout le problème.

En nous appuyant sur des conseils délivrés par des pros mais aussi des amateurs, nous avons dégagé cinq méthodes efficaces pour mieux appréhender cette fameuse petite boule au ventre d’avant-match. Et, ainsi, en faire une alliée qui vous permettra de sortir votre meilleur tennis.

© Corinne Dubreuil / FFT

Comme Arthur Rinderknech, trouver un moyen de vous déstresser sur le chemin qui vous mène vers un match...

Renforcer l’échauffement

C’est probablement la méthode la plus universelle pour lutter contre le stress. L’effort physique, on le sait, est libérateur d’endorphine, la fameuse hormone du bien-être. "Avant chaque match où je me sens particulièrement stressée, je vais systématiquement faire environ 30 minutes de footing, puis je renforce mon échauffement de manière à bien transpirer", nous dévoile ainsi Stéphanie, classée 4/6.

Transpirer pour moins stresser, la méthode a fait ses preuves. Le stress, chacun a pu le constater, a tendance à couper les jambes. L’idée est donc de s’attaquer à ses conséquences pour mieux réduire son champ d’action. Mettre en activation progressive ses muscles, son cardio et son cerveau permet en plus de se recentrer sur quelque chose de concret (la respiration, la foulée, etc).

C’est d’ailleurs le procédé qui avait permis à Stan Wawrinka de se libérer pendant cette finale de l’US Open 2016. Rattrapé par l’angoisse juste avant d’entrer sur le court, donc après son échauffement, le Suisse avait cherché à durcir physiquement le match pour trouver du relâchement. "J’ai essayé de multiplier les longs échanges. Le but était de me faire mal. Je voulais que la douleur physique m'empêche de tergiverser, que je puisse enfin me focaliser sur l'essentiel, sur mon jeu", avait-il raconté.

© Corinne Dubreuil / FFT

Un bon échauffement, comme ici Stan Wawrinka, peut être déstressant...

Écouter de la musique

Un grand classique ! Et on ne parle pas forcément de musique classique, mais pourquoi pas. Novak Djokovic lui-même y avait été initié par sa première mentor, Jelena Gencic, qui cherchait ainsi à lui faire explorer ses émotions. Bref : Classique, pop, hip-hop, rock, électro, chacun fera son choix. Mais écouter de la musique fait partie des rituels les plus couramment utilisés par les joueurs pour se détendre avant un match.

Normal : "La musique adoucit les mœurs", comme dit l’adage. Comme toute forme d’expression artistique, elle a cette capacité à susciter des émotions qui vous aideront à trouver l’état d’esprit recherché. Si vous êtes un peu superstitieux, vous pouvez faire comme Samuel, classé 15/5 : "Sur la route, je mets toujours la même play-list avec des musiques dynamiques qui me mettent de bonne humeur et me donnent de l’énergie avant d’aller sur le terrain."

Mélomane averti et lui-même compositeur, Corentin Moutet a récemment expliqué, dans une interview télévisée, alterner entre musique et silence : "Ma concentration avant un match se fait en deux parties : d’abord la musique, pour me motiver et donner de l’énergie. Et après, je m’offre un moment de silence de 10-15 minutes pour vraiment me concentrer sur le match, mes objectifs et me parler à moi-même."

© Julien Crosniser / FFT

Ugo Humbert écoute parfois de la musique avant d'entrer sur le court.

Comprendre son mode de fonctionnement

De la même manière qu’il faut connaître son ennemi pour mieux le combattre, il faut comprendre son stress pour mieux le gérer : peur du jugement, peur de l’échec, peur de mal faire… Si tout le monde stresse, chacun ne le fait pas pour les mêmes raisons. Il est donc très important de bien se cerner, pour déterminer son mode de pensée préférentiel avant un match.

C’est tout le sens du travail fait par Ugo Humbert auprès de sa psychologue du sport, Sophie Huguet, avec laquelle il collabore depuis 2023. "La première chose que je lui ai demandé au début de notre collaboration, c’est de m’aider à comprendre comment je fonctionne pour arriver à trouver mon état intérieur le plus propice possible à la performance", rembobine le n°1 français. Qui a compris qu’il avait un fonctionnement un peu "double", nécessitant par moments de se réfugier dans une bulle, et à d’autres moments au contraire de se galvaniser.

"Pour ma part, je suis parvenue à grandement libérer de mon stress le jour où j’ai réussi à me détacher du résultat", rajoute Margaux, classée 15. Effectivement, le fait de vouloir à tout prix gagner (ou à tout prix ne pas perdre), est l’une des sources de stress les plus importantes. Tous les préparateurs mentaux le disent : se concentrer sur les choses sur lesquelles on a du contrôle (l’attitude, les objectifs tactiques, etc.) est un moyen efficace de moins stresser. Le résultat n’en fait pas partie.

© Nicolas Gouhier / FFT

S'enfouir la tête dans sa serviette, c'est un moyen de se concentrer sur les choses sur lesquelles ont a du contrôle...

S’ouvrir à des méthodes de relaxation

Respiration, visualisation, méditation…. Il existe beaucoup de méthodes de relaxation, toutes plus ou moins dérivées du yoga et qui ont toutes, au fond, un même but : se recentrer sur le moment présent. Car c’est bel et bien le fait de trop se projeter dans le futur, ou de trop ressasser le passé, qui crée un climat anxiogène. 

"Pour ma part, la visualisation m’aide beaucoup, précise ainsi Clément Chideckh, qui a atteint son meilleur classement ATP en ce début de saison (184e). Quand je sens que le stress devient nocif, je prépare encore plus le match dans ma tête. Je me concentre sur mes schémas tactiques car je sais qu’avec le stress, on a plus de mal à prendre des décisions rapidement ; et je me projette sur différents scénarios, du pire au meilleur. Ainsi, je suis prêt à les gérer psychologiquement."

Très rares sont les pros, aujourd’hui, qui n’ont pas leur méthode pour abaisser leur rythme cardiaque et maîtriser leur respiration, domptant ainsi deux symptômes caractéristiques du stress. Mais parfois, se mettre dans sa bulle peut consister à… faire l’inverse. "Moi, j’ai besoin de passer du temps avec mes amis, rigoler, aller faire du shopping, bref me détendre pour penser à tout sauf au match", témoigne ainsi Pauline (15/1). C’est une méthode de relaxation comme une autre. Chacun la sienne, du moment qu’elle fonctionne.

© Philippe Montigny / FFT

Relaxation d'avant-match !

Trouver des routines "anti-stress"

Dans la continuité des méthodes de relaxation, les routines « anti-stress » sont aussi un moyen efficace, et là encore très personnel, de se concentrer sur une action précise pour éviter à son esprit de gamberger. Et, contrairement à ce qu’on pourrait penser, elles ne sont pas du tout réservées aux professionnels.

"Je prépare mon sac toujours de la même manière, j’enlève toujours mon sweat au même moment de l’échauffement, je fais toujours le même choix lors du toss », nous confie ainsi Pierre, classé 15/5. De son côté, Maryline, ancienne 15/2, s’est constituée « un petit carnet de préparation mentale dans lequel j’ai écrit des conseils pratiques, des conseils techniques, des conseils plus généralistes ou un florilège de pensées positives."   Enfin, Corentin, 15/5, a besoin de tout savoir sur son adversaire : "J’épluche son palmarès sur Ten’Up, je me renseigne auprès de mes partenaires d’entraînement qui l’ont déjà joué et, avant le match, j’ai besoin d’échanger en toute courtoisie avec lui, car on n’est pas non plus à Roland-Garros." 

Roland-Garros ou pas, impossible d’éradiquer le stress d’avant-match. Il s’agira donc d’apprendre à "cohabiter avec", pour reprendre les propos tenus à l’Open 13 par Ugo Humbert, dont la tension ressentie à l’idée de devoir défendre un titre ne l’a pas empêché de s’imposer à nouveau.