Alors que le come-back est à la mode chez les champions, il est également de mise pour de nombreux compétiteurs amateurs qui s'apprêtent à reprendre les tournois après un long arrêt lié au Covid.
Paul-Henri Mathieu, lui-même auteur d'un retour impressionnant en 2012, nous livre ses conseils pour réussir dans cette excitante mais délicate entreprise.Revenu à la compétition avec succès début 2012 après avoir passé 15 mois sans jouer et subi entre-temps une lourde ostéotomie tibiale à la jambe gauche, Paul-Henri Mathieu, aujourd'hui Directeur du Haut Niveau à la FFT, est l'auteur d'un des come-back les plus magistral de l'histoire du tennis français.Evidemment, son histoire demeure unique en son genre. Il n'en reste pas moins qu'un certain nombre de compétiteurs se retrouvent dans la situation de "Paulo" à l'orée de cette saison 2021/2022 : ils s'apprêtent à reprendre la compétition après, pour certains d'entre eux, de longs mois sans faire de match, Covid (en partie) oblige.
© FFT / Nicolas Gouhier
Après sa blessure, Paul-Henri Mathieu a réussi une deuxième partie de carrière riche en émotions, notamment à Roland-Garros.
Après l'éclatement de la crise sanitaire en 2020, la FFT a mis en place cette année dès le mois de mai un protocole de reprise progressive des tournois. Des milliers de joueurs ont d'ores et déjà pu en profiter. Mais d'autres ont préféré attendre le début de cette nouvelle saison pour se lancer, et se retrouvent aujourd'hui face à un grand défi : réussir leur come-back en compétition.Grâce aux précieux conseils de Paul-Henri Mathieu, voici comment se donner un maximum de chances de retrouver au plus vite son niveau d'antan.
1) Ne pas revenir trop tôt
C'est le piège ultra-classique. On sait que vous avez probablement la raquette qui vous démange, mais puisque vous avez attendu un an et demi voire plus, vous n'êtes plus à quelques jours près, si ?"Même si on a très envie de jouer, il faut veiller à être un minimum prêt physiquement avant de reprendre et donc bien s'entraîner en amont, conseille en premier lieu Paul-Henri Mathieu, qui avait pour sa part décalé de quelques semaines sa reprise en 2012 quitte à renoncer à l'Open d'Australie. C'est important car on repart dans l'inconnu, on ne sait pas où on est est, ni comment son corps va réagir. On est peut-être un peu plus fragile, donc il faut surtout veiller à ne pas se blesser d'entrée..."Ce serait bête, en effet, de repartir directement pour plusieurs semaines d'arrêt à cause d'un blessure trop vite arrivée par manque de préparation. N'oubliez pas l'adage : une petite impatience ruine un grand projet !
Soyez prêt physiquement avant la reprise des tournois !
2/ Etre indulgent avec soi-même
Même si les sensations tennistiques sont toujours là, on sait qu'en match, avec l'aspect émotionnel qui rentre en jeu, c'est toujours plus compliqué. Que l'on s'appelle Roger Federer ou que l'on soit classé 30/3, il est pour ainsi dire rigoureusement impossible d'avoir tout de suite le même niveau qu'avant l'arrêt.Oubliez donc votre niveau d'antan. Et, pour votre reprise, n'oubliez pas de vous "juger" avec bienveillance, en tenant compte du contexte : "Même si, pour certains, ce sera plus rapide que d'autres, il va falloir un peu de temps avant de retrouver tous ses automatismes, prévient PHM. C'est bien d'être exigeant mais c'est contre-productif de trop en vouloir d'un coup. Peut-être qu'on ne sentira pas très bien la balle au début. Ce n'est pas grave, il ne faut pas se focaliser là-dessus. Le tennis, c'est comme le vélo : ça ne s'oublie pas. Il faut juste être convaincu que tôt ou tard, ça reviendra. Je dirais même que plus on est indulgent avec soi-même, plus on est positif, et plus ça va revenir vite ! Ça paraît basique, mais ça marche..."
© FFT / Nicolas Gouhier
Votre niveau de jeu vous déçoit ? Gardez le sourire, ça va revenir !
3/ Se détacher du résultat
Ce point est, en quelque sorte, directement lié au précédent. Tant mieux si ses premiers pas en compétition après un long arrêt sont couronnés de succès, mais inutile d'être plus royaliste que le roi : la victoire n'est, finalement, pas l'essentiel.
"Plus que jamais, il faut se détacher du score et du résultat pour se concentrer sur le reste, enchaîne celui qui a atteint à cinq reprises la deuxième semaine d'un tournoi du Grand Chelem. Personnellement, quand j'avais repris la compétition au Challenger d'Heilbronn, le résultat ne comptait pas, je voyais ça plutôt comme une préparation pour la suite. C'est d'ailleurs la seule fois de ma carrière où j'étais sorti du court en étant content d'avoir perdu (Ndlr : il s'était incliné d'entrée contre le Belge Ruben Bemelmans). J'avais tenu le coup physiquement et c'est tout ce qui comptait à mes yeux."Moralité : fixez-vous un objectif de jeu ou d'attitude plutôt que de résultat pur et dur. C'est, d'une manière générale, toujours la bonne attitude à avoir. Mais dans ce contexte plus que jamais !
© FFT / Cédric Lecoq
Victoire, défaite, il faut relativiser !
4/ Etre préparé au choc mentalement
Faire un match après autant de temps passé au "frigo" est assimilable à un saut dans le vide : si tout le monde ne réagira pas de la même manière, il y a de grandes chances, malgré tout, que l'émotion s'invite à la fête. "Quand on n'a pas joué depuis longtemps, il est normal de ressentir davantage de stress pendant le match, avertit "Paulo". On peut effectivement être complètement rattrapé par l'émotion et avoir le bras qui se met à trembler. Mais ça peut aussi faire l'effet l'inverse : le fait d'avoir été privé de jeu pendant un moment peut permettre à certains de retrouver une certaine insouciance et de jouer de manière plus libérée. C'est à double tranchant."Même à se connaître parfaitement, on ne peut jamais être totalement sûr de la manière dont son cerveau va gérer une situation dont il n'a plus l'habitude. Dans le documentaire "Intérieur Sport, Renaissance" consacré à son come-back, on voit Paul-Henri Mathieu fondre en larmes juste avant son entrée sur le court face à Bemelmans, secoué par l'émotion ressentie en mesurant le chemin parcouru.Même si ça n'est pas comparable, ne négligez pas cette montée nerveuse qui peut aussi vous assaillir à tout moment du match. Le simple fait d'être prêt vous permettra d'y répondre.
© FFT / Cécric Lecoq
Soyez prêts à gérer de fortes émotions !
5/ Bien gérer sa motivation et son calendrier
Vous vous êtes peut-être déjà interrogé sur les raisons qui pouvaient bien pousser une ancienne gloire du tennis à reprendre ses raquettes. Ne faites pas l'économie pour vous-même de ce travail d'introspection : avant de reprendre, (re)posez vous les bonnes questions sur vos motivations profondes à pratiquer le tennis en compétition. Plus vous serez lucide sur vous-même avant de revenir, plus vous serez (comme par magie) performant.Ensuite, mettez en œuvre un plan de bataille cohérent. Même si l'envie de jouer vous titille, ne tombez pas dans le piège de trop jouer d'un coup, sachant que votre corps n'a peut-être plus la caisse pour cela."Quand j'ai fait mon come-back, j'étais plus à l'écoute de mon corps qu'avant et j'ai géré mon calendrier en fonction", conclut Paul-Henri Mathieu, dont le dernier conseil serait de ne surtout pas se fixer un objectif en termes de classement."L'important, c'est le chemin, ce que l'on met en œuvre pour être meilleur tous les jours. Le classement sera une conséquence de tout ça mais ne doit pas arriver en tête de projet."Gardez-cela aussi à l'esprit avant de vouloir trop vite revenir à votre meilleur échelon...
© FFT / Cécric Lecoq
Des tournois oui, mais pas trop !