L'arbitre international alsacien François Lutz, badge bronze, a participé cette année à son 8e Wimbledon. Il évoque ses souvenirs londoniens, les spécificités du Grand Chelem britannique et l'ambiance qui y règne.
Comment avez-vous découvert le tennis puis l'arbitrage ?
J'ai commencé dans mon club de toujours, le TC Stutzheim-Offenheim, ligue d’Alsace devenue Grand Est. C'est toujours chez moi d'ailleurs, une petite commune de 1500 habitants à 20 minutes de Strasbourg. J'ai commencé le tennis en tant que joueur puis quand j'ai eu 13 ans, le club a eu besoin d'arbitres et on m'a proposé de m'y mettre. J'ai répondu "ok, pourquoi pas ?". J'ai progressé petit à petit du A1 jusqu’à être professionnel.
Je travaille une trentaine de semaines par an sur des événements variés en France grâce à la FFT et à l'étranger, sur des tournois du Grand Chelem, la Coupe Davis, la Billie Jean King Cup, l’ATP, la WTA... Mais aussi cette année les Jeux olympiques de Paris. J’ai cette carrière grâce à la confiance de la FFT depuis toujours. Pour nous Français, c’est précieux. J’ai l’ambition de progresser au sommet de la pyramide mondiale de l’arbitrage grâce au travail et l’expérience. Ce métier m’a permis de maîtriser trois langues étrangères (anglais, espagnol, allemand). Prochain objectif : l’italien.
Vous avez participé aux quatre tournois du Grand Chelem. Est-ce qu'on les "vit" différemment en tant qu'officiel ?
Chaque Grand Chelem à son âme, son atmosphère qui est intimement liée à la façon de vivre du pays. À Wimbledon, on rentre dans "le temple", ça se ressent avec le poids de l’histoire du tennis et la tradition. C’est le seul tournoi où nous saluons à la remise des prix une Altesse Royale comme la Princesse de Galles. Les tenues blanches, les visiteurs en costume, les ramasseurs qui bougent dans les allées en file indienne... Tout est millimétré, hiérarchisé, cadré. Très chic, so british.
L'US Open, c'est le show en permanence, la musique à fond, les animations et les danses pendant les changements de côté.
L'Australian Open, le "happy slam", porte bien son nom car il est en effet très joyeux et festif, se déroulant durant l’été austral. Toute l'organisation reste très professionnelle évidemment mais le tournoi a un côté plus relax. C’est une expédition car pour nous, européens, c’est 24h de vol pour y aller. Mais nous voulons tous y revenir.
Et puis "Roland"... C'est chez nous, le chic à la française. Il y a une élégance dans ce tournoi qui le rend unique. La terre battue lui donne en plus une saveur différente. Une tradition continentale différente de celle de Wimbledon.
Il y a des petites subtilités dans chaque Grand Chelem. On parlait de tradition : à Wimbledon, en tant qu'arbitre de chaise, on doit répéter le score du set à chaque jeu. C'est spécifique, toujours ce côté traditionnel qui revient. C'est aussi le seul Grand Chelem où je mets une cravate. Moi, j'adore !
© Corinne Dubreuil / FFT
Comment est-on sélectionné pour Wimbledon ?
L'arbitre doit candidater et son dossier passe d'abord par sa fédération nationale. Derrière, c'est le tournoi qui choisit. À Wimbledon, on est environ 350 arbitres (377 exactement, ndlr). Chaque année, il faut candidater de nouveau. Mon premier Wimbledon était en 2016 et j'ai participé à toutes les éditions depuis grâce à la FFT. C’est une chance unique.
Est-ce qu'on arbitre différemment sur gazon ?
Il y a des petites différences techniques. Évidemment, la plus visible c'est le "chalk", la craie qui s'envole quand une balle touche une ligne. C'est une aide pour nous, comme la marque de la balle sur terre. Dans notre métier, il faut toujours être concentré mais ici, encore davantage, la balle ne laissant pas de trace. En 2024, j'ai eu la chance de pouvoir m'entraîner sur gazon, car j'ai arbitré en chaise à l’ATP 500 du Queen's, autre haut lieu de l’histoire du tennis londonien.
Quels sont vos meilleurs souvenirs à Wimbledon ?
J'ai eu l’honneur d’être juge de ligne lors des finales 2021, 2022 et 2024. La première finale en 2021 était... spéciale. Le Centre Court est un endroit très particulier et c'est un honneur d'y arbitrer une finale. Il faut savoir que c'est très dur d'être sélectionné pour les plus gros matchs. Ils donnent des grades aux juges de ligne. On commence au plus bas et ce n'est pas évident de monter.
Puis il y a celle de 2022 avec Renaud (Liechtenstein) qui était arbitre de chaise. Deux Français sur le court, c'est pas mal, non ? Cette année, en 2024, on était 15 officiels français. Une belle équipe autour de Rémy Azemar et Cédric Mourier, superviseurs Grand Chelem, les juges de ligne, en passant par des arbitres de chaise et arbitres vidéo. J’ai été très fier de représenter la FFT sur la finale messieurs cette année.