À 24 ans, Kimberly participe à son 3e Roland-Garros en tant que marqueuse. Ce métier, moins connu que ceux de l'arbitrage, est essentiel pour compiler les statistiques des matchs.
Est-ce que tu peux présenter ton parcours ?
Je m'appelle Kimberly Chaba, j'ai 24 ans. Je suis licenciée à l'Amiens Athletic Club (ligue des Hauts-de-France) et je fais du tennis depuis mes neuf ans. Je ne viens pas d'une famille qui joue au tennis, mais ma sœur avait voulu essayer ce sport. J'ai suivi, au "pif" et j'ai accroché. J'ai été détectée par la ligue au dernier moment et je suis passée au centre de ligue, que j'ai quitté après la seconde.
En parallèle, j'ai suivi des études, un BTS assistante de gestion, et j'ai passé des diplômes pour entraîner. Aujourd'hui, je suis coach et je travaille au bureau du club. L'année prochaine je passe mon Diplôme d'Etat, mais j'ai aussi envie de garder le travail de bureau.
Comment es-tu devenue marqueuse ?
J'ai vu une annonce sur Instagram comme quoi ils cherchaient des marqueurs pour le tournoi. Je ne connaissais pas ce métier alors je me suis renseignée. J'ai envoyé mon CV et une lettre de motivation, j'ai passé des tests et j'ai été sélectionnée. Et me voici à mon 3e Roland-Garros !
Le métier de marqueur est plutôt dans l'ombre par rapport aux arbitres ou juges de ligne. Peux-tu nous expliquer en quoi il consiste ?
On s'occupe de la saisie du score et des statistiques. A chaque point joué sur le court, on doit indiquer si cela se termine par une faute directe, une faute provoquée, un coup gagnant, un revers ou une volée, si le joueur est venu au filet...
On enclenche le "start-up" point au moment où le joueur / joueuse va servir. À la fin du point, nous faisons une photographie du dernier coup et là on "stat". On doit travailler en quelques secondes, car il faut être prêt pour le point suivant, ça va très vite.
L'emploi du temps de la journée est organisé en rotations d'une heure, suivie d'une heure de pause. Sur les grands courts, généralement, on a la boussole radar, un petit boîtier qui gère la vitesse de service et le nombre d'échanges dans le point.
On est à deux sur le court, un à la console "stat" et un à la console radar. Sur les grands courts, on est même trois puisqu'il y a un marqueur en veille. Sur les courts, on "stat" tout le monde, les tournois de fauteuil, le double, le mixte, le quads, le juniors, le trophée des légendes...
Quels sont les points sur lesquels il faut être le plus attentif ?
La bête noire des marqueurs, c'est le "undo", le retour en arrière. Si on accorde le point au mauvais joueur, on doit faire un retour en arrière.
Le problème, c'est que toutes nos informations sont envoyées en direct à la télévision et aux sites de paris sportifs. Si on se trompe, il faut justifier l'erreur... Et surtout, le point d'après se joue, donc le cœur s'accélère, car il faut gérer tout en quelques secondes. Bon, je n'ai pas vécu encore ça heureusement.
C'est un métier qui requiert beaucoup de concentration. Est-ce difficile de la garder dans les moments chauds ?
Parfois oui. Je me souviens du match d'Hugo Gaston l'an dernier, contre De Minaur. Il perd 5-0 sur le Suzanne-Lenglen et il remonte pour gagner 7/5. Dans ces moments-là, il ne faut pas être pris par l'ambiance, regarder le public, profiter, car on doit "stater".
J'étais sur la console "stat", donc je devais gérer la balle de match. Cela peut être des points chauds, la balle peut être annoncée faute avec l'arbitre qui descend... L'erreur peut vite arriver.
Tu arrives à profiter de l'ambiance pendant le tournoi ?
J'arrive à profiter de l'ambiance, notamment pendant l'heure de pause. Avec le soleil, on essaye de rester à l'intérieur des locaux pour éviter d'avoir un malaise. Je loge avec une ramasseuse et je l'attends le soir pour rentrer. J'en profite donc pour aller sur les courts annexes et me promener dans le stade.
Il y a des joueurs / joueuses que tu as envie de voir en particulier ?
Je vais marquer Djokovic pour la première fois (ce mardi) et je vais aussi faire ma première "night" (session de nuit). Je voulais être sur un match de Roger (Federer) car je suis fan, mais bon...
Ma première année ici, je l'ai croisé, dans l'allée, il s'est retourné et il m'a dit bonsoir. J'étais dingue ! C'était la période covid, il y avait moins de public, les joueurs étaient plus relâchés.
Il y a une fois aussi où je faisais un vocal à un ami, et là je croise Stan Wawrinka qui court, puis David Goffin... Tranquille ! C'est vraiment exceptionnel d'être à Roland.
À côté de ça, tu continues à beaucoup jouer au tennis ?
Oui, je joue presque tous les week-end. D'ailleurs, j'étais au match par équipes le week-end dernier. Je suis classée 1/6. Je viens de gagner les championnats départementaux, et je vais enchaîner avec les régionaux. Si je gagne les régionaux, je vais venir à "Roland" pour les "France".
Ah et sinon, je suis à 169 points de monter 0. Et ça, c'est vraiment super !