Vous avez joué un match de 12 heures ? Vous avez gagné après avoir été mené 6/0 5/0 40-0 ? Dans cette nouvelle rubrique, nous vous invitons à partager vos plus belles expériences sur le court, quel qu'il soit (tennis, padel, beach...). Quatrième épisode : Olivia Bocock, dont le parcours lors du trophée Perrier 2005 (13 matches gagnés d’affilée) a peut-être changé sa vie.
Identité Olivia Bocock (à gauche sur la photo)Club actuel : Tennis Club de BordeauxClub au moment du match de sa vie : Tennis Club La Rochette (77)Meilleur classement : 15/2Année de naissance : 1989''Dans les moments difficiles, mes parents m’ont souvent conseillée de repenser à ce match''Quand et où a eu lieu le match de votre vie ?En 2005 à Roland-Garros, en demi-finale des championnats de France. J’avais alors 16 ans et je concourrais dans la catégorie quatrième série. Dans ce match, qui était mon treizième depuis le début de la compétition, j’ai d’abord subi. Puis lorsque je me suis retrouvée à un point de la défaite, à 6/3 5-3 et 40-15, j’ai vu ma maman et ma prof me faire un signe de la tête qui semblait dire "tant pis". Moi, vu tout ce que j’avais fait, je ne pouvais pas accepter ça... J’ai fait ensuite le point de ma vie pour commencer mon retour dans le match !
Tout ce que vous avez fait, c’est-à-dire ?Les deux années précédentes, j’étais régulièrement blessée au dos et au genou. Simples pathologies de croissance et problèmes de vertèbres. J’ai vécu une période de six mois sans pouvoir courir, ce qui m’a totalement frustré. J’ai dû arrêter mes deux sports, tennis et volley. Durant cette période, je n’ai pu faire que du vélo et de la marche. Ces mois sans compétition m’ont fait chuter d’un échelon au classement, je suis passée de 30 à 30/1...Et ces problèmes se sont donc résorbés en 2005 ?Oui et c’est pour ça que je me suis lancé un défi. Je venais donc de repasser en quatrième série. Et je me suis dit : "Allez, je vais faire les qualifications pour le championnat national des non classés et quatrième séries et tenter de gagner ma place pour les phases finales !" Quand je l’ai dit à ma maman, qui est présidente du club TC La Rochette en Seine et Marne, elle m’a convaincue de m’inscrire, et m’a dit "allez on fonce !". C’est ainsi que je me suis retrouvée dans le tableau, en senior. Cette motivation venait sans doute des blessures que je venais d’encaisser. Je n’aurais peut-être pas eu la même foi et la même hargne sans cela.Et vous vous êtes donc qualifiée ?J’ai gagné un match, puis deux, puis trois.... J’ai commencé par des matches contre des joueuses moins bien classées, avant de finir uniquement contre des 30/1. J’y suis allée tranquillement, sans pression. Un jour, j’étais malade et ma mère m’a dit qu’on irait quand même, qu’on ne lâcherait pas. J’ai gagné en étant fiévreuse ! J’ai gagné mes 7 matches, dont la finale qui s’est disputée au Châtelet-en-Brie. Et j’ai eu mon bac dans la foulée !Il y a eu des matches disputés ?Je suis le plus souvent passée en deux sets. Mais pour la première fois, j’affrontais des joueuses d’une autre génération. Je me souviens d’une joueuse d’environ 50 ans qui chopait et coupait tous ses coups. C’était une nouvelle expérience, un nouveau tennis.L’idée de jouer à Roland-Garros vous a-t-elle enchantée ?J’y allais en tant que spectatrice, environ une année sur deux. Donc j’étais impressionnée à l’idée d’y jouer et je me suis entraînée pour arriver prête. Avant les phases finales, j’étais en vacances en famille à Bayonne en famille où j’ai fait un tournoi et où j’ai pu m’entraîner au Tennis Club de la ville avec Henri Crutchet, l’actuel champion du monde des plus de 85 ans, à raison d’une heure par jour. Il avait été le prof de ma mère quand elle était petite. Et là, c’était à mon tour. Il m’a donné des clés pour affronter des adversaires qui chopent. Bon, on était en vacances : ce n’était pas non plus un entraînement ultra intensif.Et une fois arrivé à Roland-Garros, avez-vous eu la main qui tremblait ?Sacrément oui, surtout lors de mes premiers tours. On menait la vie des champions. On avait le droit d’aller dans les vestiaires. On mangeait dans la cantine des joueurs, parfois dans les tribunes vides du Suzanne Lenglen, où j’ai eu droit à 30 minutes d’entraînement avec mon frère ! Je me souviens y avoir tapé la balle à côté de filles qui devaient être négatives qui jouaient vraiment très bien. Pour moi, le court Suzanne Lenglen, ça évoque la journée des Présidents de clubs où je venais souvent avec ma mère, et les matches à rallonge du premier tour ! Depuis les gradins, les joueurs paraissent tout petits et on a du mal à imaginer ce qu’ils vivent. Là, j’étais à leur place. Rentrer sur le court par en bas et voir les tribunes depuis le terrain est quelque chose de très impressionnant. J’y repense à chaque fois que je retourne sur ce court.
Et là, vous enchaînez encore les victoires ?Je passe 6 tours, jusqu’en finale. Je retourne à Roland-Garros tous les jours, avec ma mère qui m’accompagne. On a fini par avoir notre petite routine, nos petits rituels. À force, on connaissait tous les organisateurs. C’était un sentiment très spécial.Et cette demi-finale alors ?Tout aurait dû s’arrêter là puisque j’ai été mené 6/3 5-3. C’était sur l’ancien court numérà 15. Mon adversaire avait une quarantaine d’années et elle était très forte physiquement. En plus du tennis, elle courrait très souvent. Elle chopait en revers et avait un gros lift. J’étais dépassée. Ma mère était là comme d’habitude, mais ce jour-là elle était accompagnée de ma prof de l’époque, Marie-Hélène Anelli. A 5-3 et 40/15 pour mon adversaire sur son service, je les aperçois dans les tribunes en train de me faire un signe de dépit, l’air de dire "tant pis, c’est déjà super ce que tu as fait." Je me souviens comme si c’était hier de ce moment.Qu’avez-vous fait pour revenir ?Là, je repense à tout ce parcours, à ces blessures, et je me suis dit que c’était trop bête que ça s’arrête là. Sur l’une des deux balles de match, le bras ne tremblait plus, comme par magie, et je lui ai collé un énorme retour gagnant. Après ces deux balles de match sauvées, je consens à changer de stratégie : je cherche à abréger les échanges le plus possible, à jouer mon jeu d’attaquante. Le match était très physique, très endurant, et il fallait faire vite. Je gagne le deuxième set 7/5. Dans le troisième set, j’ai eu de nouveau la main qui tremblait. Mais je m’en suis sorti 6/3. Je crois que c’est le seul match de ma vie où je suis revenue d’une situation si compromise.Votre objectif était largement dépassé !On en avait les larmes aux yeux avec ma mère, qui m’a encouragée au bord du terrain pendant tout le troisième set. Au début du tournoi, on n’y croyait pas trop. L’objectif était de se qualifier pour les phases finales, éventuellement d’y gagner le plus de matchs possibles. Et de fil en aiguille, je me suis retrouvée en finale !
Et en finale, que s’est-il passé ?Je me suis pris la raclée du siècle, contre une ancienne 2/6. En plus de ma mère, des amis étaient venus m’encourager. Ils avaient fait une banderole : "Allez Olivia". C’était sur l’ancien court 17. J’ai perdu 6/2 6/0 mais je n’ai rien eu à me reprocher, car elle était vraiment trop forte. Pendant la remise des prix, j’étais très fière. Ce souvenir restera en moi à vie.Vous repensez souvent à ce parcours ?Ce tournoi, et surtout cette demi-finale, m’ont clairement servi pour mes études. Après le bac, j’ai fait médecine. Aujourd’hui, je suis interne à Bordeaux. Je suis diabétologue, spécialisée dans le sport. Cette demi-finale à Roland-Garros m’a appris à travailler ma concentration, à gérer une situation difficile. La pression ressentie lors du match m’a beaucoup apportée. Par la suite, dans des situations difficiles, mes parents m’ont souvent dit : "Souviens-toi de ce match à Roland-Garros et sers t’en !"Jouez-vous toujours ?Toujours. Après ce parcours en 2005, je suis montée 15/2. Puis je suis redescendue. Aujourd’hui, je joue essentiellement des matches par équipes. A quel âge avez-vous commencé ?À 4 ou 5 ans, au Tennis Club La Rochette, ce club dont ma mère est la Présidente.Et quels sont vos idoles parmi les pros ?Ah moi c’est Federer à fond. Je préfère Federer à Nadal. Federer a la classe quand il joue. J’aime sa technique impeccable. Et puis, il était au sommet quand j’étais ado... ça marque !
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