Une ''perf'' énorme ? Un match qui dure 7 heures ? Vous avez gagné après avoir été mené 6/0 5/0 40-0 ? Dans cette nouvelle rubrique, nous vous invitons à partager vos plus belles expériences sur le court. Deuxième épisode : Charlène Favier, victorieuse d’un match par équipes à –4/6 après avoir sauvé 11 balles de match...
Identité : Charlène FavierClub : Tennis Club de SeynodMeilleur classement : -4/6Année de naissance : 1994''Je pensais arrêter le tennis... et puis j’ai testé le coup droit à deux mains''Quand a eu lieu le match de votre vie ?C’était l’année de mon bac et de mes 18 ans, en 2012, contre une italienne classée comme moi -4/6, lors d’un match par équipe. J’ai gagné après avoir été mené 6/3 5-1 : j’ai sauvé 11 balles de match. Mais c’est aussi un match à part pour moi car seulement deux semaines plus tôt, contre l’avis de mon capitaine, j’avais abandonné mon coup droit à une main pour un coup droit à deux mains !Le déroulé du match est étonnant, mais le fait d’avoir changé de coup droit juste avant l’est peut-être encore plus...Cette saison-là, du jour au lendemain, j’ai perdu toutes mes sensations en coup droit. Depuis toujours, j’ai un meilleur revers. Mais là, mon coup droit était devenu catastrophique. En fin de préparation, un peu inconsciemment, j’ai rajouté un mouvement en fin de geste. Résultat, je ne mettais plus un seul coup droit dedans. Mes adversaires s’en rendaient compte et je ne gagnais plus un match. J’ai même perdu à 4/6 ! J’ai alors traversé une grosse période de doute. Je pensais arrêter. J’étais perdue. Dans ces cas-là, beaucoup de personnes peuvent vous lâcher, autour de vous.Ça n’a pas été le cas de mon père qui m’a dit : "Allez, on se bat, on continue !". Un soir, il m’a fait taper la balle dans mon club de La Querillière (42170 Sain-Just-Saint-Rambert) et m’a proposé de tester le coup droit à deux mains. J’ai tout de suite aimé. J’ai d’abord travaillé le geste toute seule, avec des paniers de balles. Et très rapidement, j’ai pu me ré-entraîner avec des gens de mon niveau, ce que je ne pouvais plus faire quand je n’avais plus de sensation en coup droit.
Aviez-vous un modèle pour ce coup droit à deux mains ? On pense à Santoro ou Seles...Non, je n’ai pas regardé de vidéo. J’avais mon geste à moi. Et avec cette deuxième main en coup droit, j’évitais ce petit toc superflu qui parasitait mon coup droit. Quand il a appris ça, le capitaine de l’équipe du club m’a dit : ''Tu ne peux pas faire ça à deux semaines d’une rencontre importante !'' Mais moi, je m’éclatais, je me prenais au jeu. C’était comme un second souffle.Et le capitaine vous a donc laissé prendre ce coup droit à deux mains pour ce match par équipes ?Oui. C’était début mai 2012, à Cagnes-sur-Mer. Comme les courts principaux étaient pris pour le tournoi ITF, on n’a pas joué sur terre battue mais en semi-indoor. Il y avait beaucoup de monde et une sacrée ambiance. L’équipe de Cagnes menait 2 à 1 quand ce fut à mon tour de jouer contre une Italienne du même classement que moi, -4/6. Je ne m’étais pas mis la pression pour ce match, car je préfère jouer à échelon égal qu’en contre. Mais elle a rapidement mené 6/3 et 5-1...''Je ne savais pas exactement combien de balles de match j’avais sauvées''
Et à ce moment-là, que se passe-t-il ?Là, je ne fais que des amorties. Pour voir. Pour me faire plaisir. Mes coéquipières et mon capitaine, eux, étaient simplement contents de me voir rejouer avec le sourire. À ce moment-là, je cherche simplement à ne pas prendre 6/1 ou 6/2 dans le deuxième set. Et puis je reviens. Et mon coup droit à deux mains me rapporte même des points ! Mon jeu de contre la gêne et elle commence à faire des fautes. Elle me voit remonter progressivement et ça la stresse sans doute un peu.On se retrouve au tie-break du deuxième set, où je sauve d'abord 5 balles de match. Sur l’une d’elle je me souviens d’être montée au filet et d’avoir vu son lob sortir de seulement quelques millimètres. Je remporte le jeu décisif 14/12 ou 15/13. Puis dans le troisième set, je sauve une sixième balle de match à 6 jeux à 5. Et encore cinq autre dans le tie-break décisif !Ça fait donc 11 balles de match sauvées ?Ce sont mes coéquipières qui me l’ont dit. Elles ont suivi le match à fond et ont compté pour moi. Moi je ne savais pas exactement combien de balles de match j’avais sauvées à la fin !Vous rappelez vous du dernier point du match ?C’était sur son service. Je crampais. Je n’en pouvais plus. Je tente un retour gagnant, et ça passe ! Et je finis dans les bras de mon équipe...Un retour gagnant côté coup droit ?Ah non, côté revers. L’histoire aurait été encore plus belle sinon !Combien de temps a duré le match ?On a commencé à 10h30 et on a fini vers 14h15. Donc plus de 3h30. Je demandais des sodas à fin du match, pour avoir du sucre.Et comment a réagi votre capitaine ?Il n’en revenait pas. Il était fier de moi. Thierry Plotton m’a entraîné pendant 5 ans. Il ne pensait pas que je pouvais battre une autre -4/6 avec ce nouveau coup droit, ni revenir dans le match après avoir été mené 6/3 5-1. Mais il a eu le bon discours au changement de côté. Il me demandait de profiter du moment présent. Dans un tournoi ordinaire, sans lui, je n’aurais peut-être pas gagné.
''Si je reprends un coup droit à une main, je perds 15 classements !''Avez-vous joué d’autres matchs marquants ?Celui-là est sans doute mon meilleur souvenir, même si ce n’est pas ma meilleure performance, car j’ai déjà battu des joueuses numérotées. Sinon, j’ai déjà disputé plusieurs fois des tournois ITF. J’ai eu plusieurs invitations pour participer aux qualifications du 25 000$ d’Andrézieux-Bouthéon. En 2011, j’avais affronté la Polonaise Marta Domachowska, qui avait atteint trois ans plus tôt les huitièmes de finale de l’Open d’Australie. J’avais peur de perdre 6/0 6/0, mais finalement j’ai fait bonne figure. J’ai perdu 6/2 6/2, et j’ai eu beaucoup de balles de jeu que je n’ai pas concrétisées. Ça aussi, c’est un bon souvenir.Quand avez-vous commencé le tennis ?À l’âge de 5 ans pour suivre mes deux frères qui jouaient déjà, au Tennis Club d’Unieux, près de Saint-Etienne, où j’ai grandi. J’ai été vite suivi par le comité de la Loire et la Ligue du Lyonnais. À 13 ans, je suis parti non loin de là, au TC de la Quérillière, où je suis monté jusqu’à -4/6 et où je suis resté jusqu’à mes 18 ans. Aujourd’hui, j’ai 25 ans, je vis à Annecy, j’enseigne au Tennis Club de Seynod, et je suis toujours classé -4/6. Mais j’ai moins de temps pour les tournois car je passe mon diplôme d’Etat sur l’antenne du Dauphiné-Savoie. Je reprendrai au printemps.Et votre coup droit, vous le faîtes toujours à deux mains ?Oui, bien sûr. Je m’éclate avec. Ça fait 7 ans bientôt. Tout le monde me demande quand est-ce que je vais repasser à un coup droit à une main, mais j’en serais incapable. Avec un coup droit à une main, je perdrais au moins 15 classements (rires) !