Vainqueur de son premier titre sur le circuit Challenger à 22 ans, Kyrian Jacquet revient sur l’une des plus belles performances de sa carrière et évoque avec passion ses plus grands rêves.
Le sourire fixé sur son visage en dit long sur l’envergure de sa performance. La semaine dernière, Kyrian Jacquet a remporté son premier titre dans cette catégorie, à Olbia, en Sardaigne. Une première victoire qui met en lumière l’abnégation et la motivation du jeune joueur : "Ça représente beaucoup de choses pour moi ! Tout d’abord, parce que c’était mon premier titre mais aussi parce que c’était le premier tournoi de l’année avec ma mère" explique-t-il, sur le canapé du foyer des joueurs au CNE, à Paris.
"Elle m’a accompagné du début à la fin de la semaine et ça fait du bien d’avoir un membre de sa famille avec soi en tournoi. J’ai senti un grand soutien moral et puis j’ai bien joué tout au long de la semaine, donc je suis encore plus heureux de l’avoir gagné comme ça."
Il y a de l’émotion dans sa voix et pourtant, il ne jouait pas sa première finale. En juin dernier déjà, il s’était qualifié pour tenter de décrocher un premier titre, à Blois. Une rencontre qui était forcément dans sa tête au moment de rentrer sur le court, dimanche dernier : "J’y ai pensé un peu mais ça ne m’a pas mis moins de pression, parce que ce n’était pas les mêmes enjeux."
Un premier tour de chauffe quatre mois plus tôt, une vraie récompense à la clé cette fois-ci : "Je savais que si je gagnais, j’étais presque assuré d’être dans les 'qualifs' de l’Open d’Australie, donc ça me tenait vraiment à cœur de la gagner."
Une pression différente, donc, mais une pression quand même pour Kyrian qui avait été contraint d’abandonner face à Quentin Halys à Blois (4/6, 6/2, 2-0, ab.) : "Ça m’avait laissé un goût amer quand même, donc je ne voulais pas que ça se reproduise une deuxième fois. Du coup j’ai réussi à bien gérer cette pression. Je pensais que j’allais avoir beaucoup de mal à gérer la finale mais j’ai réussi à m’en sortir donc j’étais content."
© Marine Andrieux/FFT
Kyrian Jacquet, souriant après sa victoire à Olbia
Content et fier d’avoir su gérer la pression qui pesait sur ses épaules au moment de la finale, c’est pourtant l'affrontement précédent qui l’a le plus marqué : "Je pense que c’est un des matchs les plus durs de toute ma vie" a-t-il déclaré. Une demi-finale face au Belge Joris De Loore qui l’a poussé dans ses derniers retranchements : "Je pensais déjà à l’Open d’Australie. J’étais énormément stressé et je me disais que chaque victoire me rapprochait de cet objectif."
Et pour atteindre son rêve, Kyrian devait impérativement s’imposer. Seul un sacre pouvait lui permettre de gagner assez de places au classement ATP pour entrer dans le ‘cut’. C’est donc à ce moment-là qu’il fallait être fort mentalement pour ne pas se laisser submerger par l’enjeu : "Je menais 6/4, il y a eu interruption par la pluie. Ensuite, j’ai le break, j’ai deux balles de double break, que je ne converties pas, ça me met une pression supplémentaire. Et à 4-3 pour moi, je perds douze points d’affilée je pense ! J’étais pétrifié, je ne pouvais plus bouger, j’étais stressé comme jamais je ne l’ai été et tout le troisième set était horrible, physiquement et mentalement."
Un véritable challenge pour Kyrian qui a prouvé qu’il avait les ressources pour s’en sortir : "Je l’emporte finalement 7-5 au tie-break du troisième et c’était vraiment un soulagement ! Je me suis dit que c’était comme si c’était le début d’un nouveau match. C’était tellement dur, je n’avais que des mots négatifs dans ma tête, j’étais pétrifié et finalement j’ai réussi quand même à me remettre dedans."
Et finalement au bout de l’effort, Kyrian Jacquet est parvenu à décrocher son billet pour une finale au goût de revanche face à Flavio Cobolli, l’Italien tête de série n°7 qu’il connaît bien. "Il a un an de moins que moi, je l’avais déjà joué cet été à San Marino sur un gros tournoi aussi, j’avais gagné mais c’était sur terre (6/3, 4/6, 6/1). Je savais que ça allait être un match compliqué, d’autant plus que j’avais des grosses tensions de la veille parce que j’avais fini tard et puis je m’étais fait mal aux abdos."
C’est donc à moitié blessé qu’il est entré sur le court pour tenter de décrocher son premier titre en tournoi Challenger et son potentiel premier ticket pour les qualifications de l’Open d’Australie. "Le matin, j’avais vraiment mal, je savais que je m’étais potentiellement blessé, mais je me suis dit 'donne tout, il reste un match, je ne le laisserai pas passer celui-là, encore moins contre un mec contre qui je sais que je peux vraiment gagner'. Donc j’ai serré les dents, j’avais mal à chaque service, et j’ai réussi quand même à jouer très bien du fond de court et à l’agresser tout le temps. Finalement, je ne me suis pas senti en danger de toute la rencontre, je l’ai vraiment maitrisé du début à la fin (score final 6/3, 6/4) et j’étais vraiment content de ça."
Avec cette belle victoire, Kyrian Jacquet remporte le 26e trophée Challenger pour le clan tricolore cette saison. Un chiffre record, qu’aucune nation auparavant n’avait jamais atteint sur une année : "Ça me fait vraiment plaisir de participer à ça parce que la France a de très bons joueurs, des jeunes aussi, donc je suis très heureux qu’on soit premiers là-dessus. On a quand même un niveau de jeu qui est très élevé ici, on est performant au niveau des résultats et je pense que c’est quand même significatif."
En tout cas, c’est une performance qui pousse les joueurs français à toujours essayer de faire mieux et d’aller plus loin. C’est également la motivation de Kyrian, qui parle des Grands Chelems avec des étoiles dans les yeux : "C’est déjà un rêve d’aller en Australie, ça va être une première expérience de faire un Grand Chelem chez les adultes pour la première fois, donc je ne me donne pas vraiment d’objectif de résultat là-bas. Ensuite, l’objectif c’est forcément de faire les quatre."
Son plus grand rêve ? "Jouer sur un grand court, avec beaucoup de monde et contre un grand joueur. Surtout sur le court Philippe-Chatrier, ce serait énorme ! Après, en termes de grand rêve, bah forcément jouer sur un grand court, avec beaucoup de monde, contre un grand joueur, c’est forcément quelque chose qui fait rêver. Encore plus sur le Chatrier, ce serait énorme, Mais les deux plus grands courts où j’aimerais jouer, ce serait le Chatrier ou sur le Court Central de Wimbledon, un tournoi qui a une saveur particulière je trouve et qui me fait rêver depuis que je suis tout petit."
Et le gazon ? "J’ai jamais joué dessus ! (rires)" Alors on lui souhaite de fouler un jour l’herbe verte du All England club. Avant cela, on suivra son parcours sur les courts en dur de l’Open d’Australie, en janvier prochain.
© Marine Andrieux/FFT
Le portrait de Kyrian Jacquet, au CNE, ce mercredi 25 octobre