Franck Poidevin, de la raquette au crayon

Estelle Couderc

20 mai 2023

Enseignant depuis 1986, Franck Poidevin est resté fidèle aux quatre clubs de ses débuts.

Cela fait près de 40 ans que Franck Poidevin enseigne entre l’Aisne (HDF) et la Marne (GDE), sur les courts du TC Bucy-le-Long, du TC Fismes, du TC du Tardenois et du TC Vailly-sur-Aisne. Pourtant au départ, c’est pour les Verts de Saint-Etienne qu’il s’enthousiasmait, avant de voir à la télé, un jour de printemps 1976, le fameux Jauffret/Borg conclu victorieusement par le Suédois 10-8 au cinquième set. « Tout a commencé grâce à ce match, se souvient-il. Je suis devenu fan de Borg et je me suis mis à jouer avec les copains. Puis je suis parti à Reims, dans un pensionnat où deux courts de tennis venaient d’être construits. C’est devenu une véritable passion : le bruit des balles, le terrain, le stress des matchs, le tennis à la télé... Il y avait un immense engouement, des joueurs qui donnaient envie. J’ai aussi eu la chance d’avoir un enseignant qui avait un très beau jeu, un peu dans le style d’Arthur Ashe. » Se tourner vers l’enseignement est arrivé naturellement, après le bac et deux ans de fac. Et lorsque le CTR local le renseigne sur les conditions pour passer le diplôme, Franck Poidevin se met à disputer plus de tournois, accède au classement requis (15/2) et part au CREPS de Reims pour passer son diplôme, une formation « bien plus simple qu’aujourd’hui », relève-t-il.

« Depuis mes débuts, beaucoup de choses ont changé, notamment le matériel, poursuit-il. On ne jouait qu’avec des balles dures, même pour les petits ! La compétition aussi a évolué avec les TMC et les plateaux qui ont beaucoup apporté. Le métier en lui-même, en revanche, n’a pas tellement évolué, si ce n’est qu’on est sans doute moins exigeants avec certains groupes d’ados qu’il ne faut pas trop brusquer ! À une époque, je commençais systématiquement par un échauffement de 10 minutes. J’ai arrêté car ça ne passe plus auprès de certains. Et je me suis aussi rendu compte que je gagnais cinq heures de tennis sur l’année. »

Sagement, il a accepté cette évolution de la société qui rend l’écoute des élèves parfois un peu moins attentive. Et ça ne le frustre plus de voir de nombreux jeunes arrêter la pratique une fois le bac en poche, car l’expérience lui a montré que le tennis, c’est pour la vie. « J’avais du mal avec ça, et puis je les ai vus revenir, confie-t-il. Et maintenant, j’ai même leurs enfants ! Une fois qu’ils savent jouer, c’est gagné. Ils pourront toujours se réinscrire dans un club, où qu’il soit, pour reprendre. Ça, c’est pour moi une réelle satisfaction. »

Une exposition à Roland-Garros en 2006

En marge de ses heures d’enseignement, Franck Poidevin a pris le temps de développer d’autres passions : le dessin et la photographie. Il a même sorti un livre et exposé, fin 2006, à l’ancien musée de la Fédération. Un projet qui l’avait plongé dans les coulisses du stade : « Ça s’appelait “2 avenue Gordon-Bennett, 50 semaines à Roland-Garros”. Patrice Dominguez, alors DTN, m’avait donné carte blanche pour photographier ce qui se passait en dehors de la quinzaine. J’avais adoré cette expérience en coulisses, qui m’avait permis de découvrir la vie du stade toute l’année : les bureaux, les entraînements des joueurs, les colloques... J’y allais un à deux jours par semaine et je rentrais le soir pour donner mes cours. C’était une expérience formidable. »

Et s’il a depuis un peu délaissé l’appareil photo, il continue, au crayon mine, à croquer et caricaturer les lieux qui l’inspirent, tels que les stades, les monuments de Reims, les plages du Touquet, et mêmes les maisons de particuliers qui lui passent parfois commande. Si le dessin est jusque-là resté un loisir, faute de temps, Franck Poidevin, qui fêtera ses 60 ans fin juin, envisage de réduire un jour l’enseignement pour faire de cette autre passion un complément de revenus, en exposant ou à travers un nouvel ouvrage. « Je ressens toujours la même envie sur le court, j’ai toujours la même motivation, confie-t-il. Mais à mon âge, c’est plus compliqué physiquement ! Et puis le dessin a des similitudes avec le tennis. Comme en compétition, il exige de la précision, de la concentration et de la créativité, qui manque d’ailleurs parfois à certains joueurs ! Dessiner nécessite aussi de l’observation et du partage, comme l’enseignement. Et même si je ne retrouve pas en dessinant l’adrénaline d’une victoire ou d’un passing-shot en bout de course, l’émotion existe, notamment lorsque le résultat final d’un dessin réussi me surprend. »

Et de conclure, avec ce qui constitue malgré tout la grande force du stylo sur la raquette : « Le dessin permet surtout de rester assis ce qui, avec l’âge, est un avantage indéniable par rapport au tennis ! »

E. Couderc