Cette rubrique nous plonge dans les souvenirs de médaillés français de tennis-fauteuil lors des différentes paralympiades avant les Jeux de Paris 2024. Double médaillée de bronze à Pékin, Florence Alix-Gravellier, vice-Présidente référente pour le développement des pratiques à la FFT, se rappelle avoir vécu deux paralympiades bien différentes.
Athènes 2004, la ferveur
Mon souvenir le plus fort de ces Jeux, qui étaient mes premiers, c'est la cérémonie d'ouverture. Il y avait une ferveur extraordinaire. Pour le tennis-fauteuil, pour ma discipline, c'était l'événement ultime, puisqu'il n'y avait pas encore les tournois du Grand Chelem à l'époque. Nous n'étions pas habituées à jouer devant du public. Et là, on se retrouve à attendre dans un tunnel pour défiler à attendre plusieurs heures. Quand on sort, il y a 50 000 personnes ! C'est un moment assez fabuleux. C'est à cet instant que l'on se rend compte qu'on y est, aux Jeux, qu'on est un athlète. C'était presque silencieux... En fait, il y avait bien sûr énormément de bruit mais j'avais l'impression d'être dans une bulle.
Sportivement, j'ai eu la sensation de monter en puissance au cours de ces Jeux. Je suis allée jusqu'à jouer le match pour la médaille de bronze, que j'ai perdu, mais cette quatrième place en simple était inattendue. J'étais juste entrée dans le top 10, je devais être 9e ou 10e mondiale. Je jouais assez libérée, j'ai un sentiment de plénitude quand je repense à ces matchs à Athènes... Jusqu'à ce dernier match que je perds après avoir remporté le premier set (défaite contre l'Australienne Daniel Di Toro 1/6, 6/2, 6/2). Le vent a un peu tourné quand j'ai entrevu cette médaille...
D'un point de vue ambiance, je me souviens surtout d'avoir été accompagnée et encouragée par un groupe d'une vingtaine de personnes qui comptaient beaucoup pour moi. Ma sœur était enceinte de cinq mois. Elle avait dessiné sur son gros ventre le mot "France" à la peinture !
Il y avait de la ferveur dans les tribunes. Cela m'avait marqué parce que je pense qu'il y avait plus de monde dans les tribunes à Pékin, mais il n'y avait pas du tout la même ambiance festive qu'à Athènes. Il y avait un côté méditerranéen. C'était aussi un peu le bazar, y compris dans l'organisation, mais j'y repense toujours avec cet esprit de fête.
Le match de simple pour la médaille de bronze à Pékin
Pékin, la consécration et la cicatrisation
A Pékin, l'objectif était clair : faire une médaille. J'étais devenue n°1 mondiale en double et n°2 mondiale en simple depuis Athènes. Derrière les deux meilleures joueuses du monde, les Néerlandaises Esther Vergeer qui dominait largement la discipline (quadruple championne olympique en simple) et Korie Homan, nous étions un petit groupe de joueuses au niveau très proche à pouvoir prétendre au podium. L'or était presque impossible, mais le podium était dans mes objectifs, d'autant que j'avais fait 4e quatre ans plus tôt.
Le match pour la 3e place, contre une autre Néerlandaise, Jiske Griffioen, n'a pas du tout été un bon match. Quand je revois les images, je trouve ça assez "poussif". Mais c'était un match de nerfs. Nous étions assez proches, on s'affrontait souvent, on se battait à tour de rôle. Cette petite finale perdue à Athènes a joué pour moi un rôle déterminant dans celle gagnée à Pékin. En Grèce, j'avais perdu dans la tête. A Pékin, j'ai voulu rester dans de la visualisation positive. Je suis probablement la seule joueuse de tennis à avoir gagné un match en écoutant Coldplay avant de rentrer sur le court ! J'avais besoin de calme, bien plus que de dynamique.
J'ai fait la différence avec cette capacité à passer au-delà de l'enjeu. Je ne le trouve pas très beau, mais j'ai le sentiment d'avoir maîtrisé ce match. Au moment où je sais que je vais gagner, avec une attaque de coup droit, je lâche presque immédiatement la raquette. Cet instant, c'est le moment le plus fort de ma carrière. Mes parents sont là dans le stade, mes frères et sœurs sont loin mais je sais qu'ils sont devant leurs écrans. Tout de suite, j'ai cette pensée pour eux. D'une page qui se tourne.
Pour un athlète paralympique, il y a le parcours sportif bien sûr, mais il y a aussi tout ce qu'il y a derrière. A ce moment-là, il est évident pour moi qu'il y a une part de cicatrisation par rapport à mon parcours personnel.
La médaille en double vient après. Elle a une belle signification car je suis quelqu'un d'assez altruiste. Gagner avec quelqu'un d'autre (Arlette Racineux), ça veut dire beaucoup. Ce bronze en double n'a pas la force de celle en simple, d'abord parce que ce n'est pas la première médaille, et il n'y a pas cette saveur intime de cicatrisation personnelle. Mais c'était un gros combat face aux Américaines (Beth Ann Arnoult et Kaitlyn Verfuerth). Nous nous étions énormément investies. C'était assez fort de performer ensemble alors que nous n'étions pas forcément proches avec Arlette.
Ces Jeux de Pékin m'ont laissé un sentiment de bout du monde. Nous étions un peu isolées. Mais c'était aussi une atmosphère propice à la performance...