Entraîneur du groupe "Ambition Grand Chelem" de la FFT où figurent les deux "revenants" Lucas Pouille et Fiona Ferro, Eric Winogradsky raconte le processus qui a permis de relancer les deux qualifiés pour le tableau final de Roland-Garros.
Eric, pouvez-vous nous détailler ce qui vous a amené à créer ce groupe d'entraînement où figurent Fiona Ferro et Lucas Pouille, qui ont réussi cette semaine à s'extraire des qualifications ?
L'objectif de la Direction technique nationale est de privilégier la formation des jeunes joueurs et de les amener au haut niveau. L'été dernier, avec Nicolas (Escudé, le Directeur technique national), nous avons eu une réflexion sur ce que nous pouvions mettre en place pour aider les joueurs qui ont déjà atteint le haut niveau. Nous avons fait le constat qu'il fallait "re proposer" une base d'entraînement pour ces joueurs-là. Elle existait auparavant mais elle avait été stoppée au gré des politiques sportives qui se sont succédé.Début novembre 2022, ce "service" a été relancé (il a été baptisé "Ambition Grand Chelem"). Des joueurs et des joueuses nous ont sollicités immédiatement. Aujourd'hui, le groupe est constitué de trois joueuses et de trois joueurs : Fiona Ferro, Emma Lene, Tessah Andrianjafitrimo, Lucas Pouille, Calvin Hémery, Antoine Hoang. Il y a d'autres demandes d'intégration. Il y a certains critères à respecter pour pouvoir intégrer ce service. Il permet aussi à nos meilleurs jeunes de s'entraîner au CNE avec des joueurs et des joueuses plus forts.Aujourd'hui, je suis seul à les entraîner. Ils sont six, ce n'est donc pas de tout repos ! L'encadrement sera peut-être renforcé. Pour recruter d'autres joueurs, et peut-être aussi, faire davantage d'accompagnement en compétition. L'avenir le dira.
Comment avez-vous "récupéré" Fiona d'abord ?
Fiona est arrivée la première, effectivement. En septembre, elle tapait la balle au CNE, je lui ai proposé de venir plus régulièrement si elle le souhaitait. De fil en aiguille, elle a retrouvé l'envie, elle s'est prise au jeu, même si elle avait encore beaucoup de soucis avec ses tendons d'Achille et ses problèmes d'ordre privé. Et puis un jour elle m'a dit qu'elle avait envie de reprendre plus tôt que ce qu'elle avait d'abord envisagé.Elle a réussi à avancer son retour début février. Depuis, progressivement, elle monte en régime. Elle a accepté un programme adapté à sa situation. Quand on s'arrête aussi longtemps, le corps n'est pas toujours d'accord... Elle a dû de nouveau s'arrêter début mai parce qu'elle avait une inflammation au poignet et à l'épaule. Elle a repris au Trophée Clarins il y a une semaine, mais elle était un petit peu courte.
Et Lucas ?
Lucas est arrivé un peu plus tard. Il est passé un peu cet hiver au CNE. Mais il est allé jouer aux Etats-Unis (deux tournois Challenger en avril) et il est revenu blessé. Un lumbago. Quand il a intégré notre groupe, on était loin d'imaginer qu'il puisse retrouver vite un bon niveau. Petit à petit, on a réussi à augmenter les contenus, les volumes d'entraînement.
Etes-vous surpris par leurs qualifications respectives ?
Avant d'être embêtée par son poignet et son épaule, Fiona avait déjà retrouvé un niveau très correct. Mais compte tenu de ce que je disais avant, la wild-card "qualifs" était beaucoup plus adaptée pour elle. Elle n'a pas encore récupéré le rythme de compétition qui était le sien il y a deux ou trois ans. Il y a aussi la concentration qui est difficile à garder tout au long d'un match.Mais par séquences, comme on a pu le voir pendant cette semaine, elle joue vraiment très bien. Je suis fier de ce qu'elle a déjà réussi. J'avoue que je me suis servi de l'expérience avec Jo (Tsonga, qu'il a longtemps entraîné) qui était exactement dans la même situation (un long arrêt dû à une blessure). On a dû changer complètement notre façon de travailler. Le retour sur le circuit doit être progressif.Lucas était un peu loin, je l'ai dit, il y a quelques semaines. On a renoncé ensemble à ce qu'il dispute le Challenger de Bordeaux. Il a abordé les "qualifs" sans aucun match officiel. C'était un défi un peu osé, mais qu'il a relevé avec beaucoup de courage.
Il a eu des moments difficiles, on le sait. Il s'est accroché, il a bien adhéré à ce qu'on lui proposait. Il a vu qu'on lui proposait une cellule dédiée à sa situation. Sa situation, c'est quelqu'un qui est en période de "réathlétisation".
© FFT / Cédric Lecoq
Eric Winogradsky (à droite), au soutien de Fiona Ferro.
Comment envisagez-vous leur premier tour dans le grand tableau ?
Pour tous les deux, ils le savent, la route est encore longue. Mais on a un groupe avec un super état d'esprit. Ils se tirent tous vers le haut. Le jeu en vaut la chandelle. Les premiers résultats sont là.Lucas va rejouer Rodionov au premier tour. On connaît l'histoire de ces "remakes" rapprochés... Ce n'est pas simple. Au dernier tour des qualifications, il y a eu beaucoup d'émotions, de stress. Il avait eu du mal à trouver la bonne cadence. Ils se connaissent bien maintenant. Les présentations sont faites.Fiona, pendant son 3e tour, a vécu tout ce dont elle avait besoin. Une adversaire coriace, une bagarre sur le terrain, le soutien du public qui a été génial... Elle a été très courageuse. Elle le sera sûrement encore contre Peterson (86e mondiale)...