Cinq situations difficiles à vivre pour les parents de joueurs

Rémi Bourrières

11 février 2025

Dans ce nouvel opus de "Conseils aux compétiteurs", nous abordons plus précisément le rôle des parents de (jeunes) compétiteurs, un rôle tout aussi essentiel que, parfois, difficile à vivre.

Quand le métier le plus difficile au monde, celui de parent, se confronte à un sport aussi ardu que le tennis, cela débouche parfois sur des situations délicates à vivre qui peuvent aller jusqu’à des dérapages incontrôlés : parents toxiques, parents violents, les cas ne sont malheureusement pas rares d'adultes qui n’ont pas su gérer leurs propres angoisses générées par les matches de leur progéniture.

Face à ces débordements, la FFT a entrepris un gros travail de prévention et de pédagogie notamment en publiant le fascicule "Savoir accompagner mon Enfant au sein de l’univers tennis", qui explique aux parents les bénéfices d’un match de tennis tout en les guidant pour avoir le comportement le plus approprié possible lorsque leur enfant débute la compétition (à partir de 7 ans).

Responsable des territoires et du parcours d’accès vers le haut niveau des 15 ans et moins à la DTN, Patrick Vergnes est bien placé pour connaître la difficulté du rôle de parent, qui doit trouver la juste place entre son indispensable présence et la nécessité de conserver un certain recul. Nous lui avons soumis cinq situations difficiles à vivre auxquelles tout parent de jeune joueur est susceptible d’être confronté un jour. Et demandé la meilleure manière de réagir en pareil cas.

1) Mon enfant se comporte mal sur le court

Cas ultra-classique, tant le tennis est un sport qui génère des états émotionnels intenses face auxquels un enfant (comme certains adultes, du reste) n’est pas toujours suffisamment armé psychologiquement. Pour cet enfant-là, la gestion des émotions fera l’objet d’un apprentissage plus long que pour d’autres.

Avant de l’accabler, il convient donc de lui tenir un discours préventif sur les enjeux de la compétition et de l’existence d’un code de conduite dont le juge arbitre est le garant. "Il est important de lui rappeler que le tennis est un sport qui développe la concentration, le goût de l’effort, l’acceptation de ''bien et mal jouer'', qui engendre des réussites et des frustrations mais aussi de lui expliquer pourquoi il fait de la compétition, souligne Patrick Vergnes. L’un des intérêts est notamment de lui permettre d’acquérir de l’autonomie donc l’idée, au départ, est plutôt de l’observer et voir comment il réagit en situation de match."

Et si un comportement colérique voire anti-sportif se répète, il deviendra nécessaire d’intervenir. Plutôt que de le faire directement, "le mieux est de prévenir le juge-arbitre dont c’est le rôle ; sa contribution éducative fait autorité et cela se passe souvent mieux quand cela vient d’une tierce personne." Cela n’empêche pas, en parallèle, d’intervenir auprès de votre enfant pour lui demander de se calmer. Et encore plus, après le match, de débriefer avec lui (ou elle) pour dénouer le fil des émotions qui ont pu le rattraper et/ou qu’il/elle en parle avec son enseignant.

© Marine Andrieux / FFT

"Le mieux est de prévenir le juge-arbitre dont c’est le rôle ; sa contribution éducative fait autorité et cela se passe souvent mieux quand cela vient d’une tierce personne..."

2) Dans une partie sans arbitre, mon enfant est victime de tricherie manifeste

Surtout pas d’intervention directe ! Cela risquerait de ne faire qu’envenimer les choses auprès de l’accompagnant de l’autre enfant, lorsque ce dernier n’a pas le bon sens d’intervenir lui-même. En rappelant aussi que, parfois, les enfants peuvent tricher ''à l’insu de leur plein gré'', car à ces âges, l’envie de gagner est si forte qu’elle en vient parfois à prendre le pas sur toute forme de lucidité.

Quoi qu’il en soit, en cas de tricheries (ou d’erreurs) répétées, le bon réflexe sera, comme dans la situation précédente, de faire venir le juge-arbitre. Mais si celui-ci est absent, votre enfant devra apprendre à se défendre lui-même, en faisant part de ses doutes à son adversaire ou en trouvant d’autres stratégies tactiques pour s’en sortir. Evidemment, quand on est un tout jeune enfant, a fortiori de caractère réservé, ce n’est pas toujours évident…

Dans tout ça, le rôle du parent sera, là encore, avant tout préventif. "Il faudra bien expliquer à l’enfant que, même si c’est rare, cela arrive parfois malheureusement de tomber sur quelqu’un qui ''vole'' des points, concède Patrick Vergnes. Mais même si ce n’est pas agréable à vivre sur le moment, cela fait partie aussi de sa construction de joueur. Si la chose se reproduit, il sera beaucoup mieux armé pour y répondre."

© Cédric Lecocq / FFT

"Cela arrive parfois malheureusement de tomber sur quelqu’un qui ''vole'' des points. Mais même si ce n’est pas agréable à vivre sur le moment, cela fait partie aussi de sa construction de joueur."

3) Je stresse trop devant les matches de mon enfant

Pas de culpabilisation : ressentir du stress devant les matches de son enfant est une chose normale. "Le parent vit le match à travers l’enfant, quand il le voit malheureux lorsqu’il perd des points ou content lorsqu’il en gagne. C’est humain, mais il faut essayer de se détacher du résultat et comme son enfant, apprendre à réguler ses émotions, les comprendre pour mieux les gérer, estime Patrick Vergnes. Si le parent n’y arrive pas, s’il éprouve un stress beaucoup trop fort qui rejaillit sur son enfant, alors il lui faudra peut-être prendre un peu de recul physiquement et psychologiquement !"

Dans ce cas précis, ce sera donc au parent de travailler sur lui-même, de s’interroger sur ses propres représentations de la compétition et de ce qu’il cherche à projeter sur son enfant. Car le match, in fine, n’est pas un examen : c’est un jeu, ni plus ni moins, et même un moment de fête qui vient prolonger l’entraînement et valider la progression de l’enfant. Une présence régulière du parent est donc souhaitable.

"C’est important que le parent soit là pour suivre l’évolution de son enfant, pour lui montrer aussi qu’il s’intéresse à son activité, qu’il soit sécurisant tout en étant focus sur le chemin à parcourir", poursuit celui qui a été sacré champion de France des 50 ans en 2022. Par ailleurs, c’est intéressant de partager avec lui ce moment car un match va générer énormément d’émotions, donc de discussions avec l’enfant. Le parent est un maillon essentiel de la chaîne éducative. S’il est totalement absent, il manque un truc…"

© Amélie Laurin / FFT

"Le parent est un maillon essentiel de la chaîne éducative."

4) Je suis en désaccord avec l’enseignant sur un point technique ou un objectif

Pour éviter ce type de désaccord, il est primordial d’établir une bonne communication entre tout le monde. Le parent peut décider d’être le chef du projet mais, dès lorsqu’il confie son enfant à un entraîneur professionnel, c’est ce dernier qui doit fixer le cadre.

"La répartition des rôles doit être bien définie à la base, rappelle Patrick Vergnes. L’entraîneur est celui qui pilote la dimension technique, tandis que le parent est le pilier soutenant. Dès le début de saison, il faut se mettre d’accord sur les objectifs de travail, de progression et de résultats. Quand tout est clair, cela évite la plupart des problèmes."

Un désaccord peut toujours survenir, bien entendu. Dans ce cas, "il vaut mieux que le parent en parle à l’entraîneur plutôt que de garder ça pour lui, surtout si c’est pour faire passer ensuite des messages contradictoires à son enfant, qui va se retrouver perdu, rajoute celui qui a longtemps été CTR de la Ligue d’Occitanie. Ensuite, c’est à l’enseignant d’expliquer pourquoi il a pris telle ou telle décision."

Un cas assez fréquent est, par exemple, celui d’un changement technique. Il est important que l’enfant donne du sens à ce changement technique qui va peut-être lui faire perdre des matches à court terme, ce qui n’est pas toujours évident à accepter pour le parent. Mais n’oublions pas que l’entraîneur s’appuie sur une compétence éprouvée. Le parent, dès lors qu’il lui a accordé sa confiance, devra soutenir sa démarche… ou changer de structure.

© Cédric Lecocq / FFT

"La répartition des rôles doit être bien définie à la base. L’entraîneur est celui qui pilote la dimension technique, tandis que le parent est le pilier soutenant."

5) Mon enfant a tendance à prendre la "grosse tête" après une victoire ou, au contraire, est très malheureux après une défaite

Rien de plus naturel pour un enfant que d’être heureux quand il gagne et malheureux quand il perd. Mais, en tant que parent, il faut faire en sorte d’éviter ce trop grand ascenseur émotionnel et lui apporter, dans les deux cas, la plus grande stabilité possible, laquelle sera gage de sérénité mentale et donc de performance.

A bannir, donc, les louanges excessives dans la victoire ou les accès de fureur dans la défaite. "Sinon, on pose des barrières à l’enfant et on va petit à petit éteindre son esprit d’initiative et son plaisir du jeu, avertit Patrick Vergnes. Or, derrière une victoire ou une défaite, il y a tellement d’autres choses. L’enfant peut avoir gagné un match en oubliant de respecter certaines consignes, ou avoir perdu en ayant été irréprochable. Dans les deux cas, on doit porter le même regard sur lui, objectif et bienveillant."

Bien sûr, gagner est agréable. Mais il convient de rappeler que la défaite est peut-être encore plus vertueuse. En tout cas, elle est inévitable et fait partie du jeu comme du processus d’apprentissage. A charge du parent, donc, de ne pas "transférer sa propre représentation de la victoire et de la défaite, sa propre peur de l’échec, conclut le joueur du Stade Toulousain. Il doit être un socle sur lequel son enfant doit toujours pouvoir s’appuyer, quoi qu’il arrive."

La force mentale d’un joueur part souvent de là, de ce socle parental inoxydable accompagné d’un discours bénéfique.

© Tomas Stevens / FFT

"Derrière une victoire ou une défaite, il y a tellement d’autres choses..."