Les six questions qui se posent quand on passe du tennis au padel (et vice versa)

Rémi Bourrières

27 juin 2024

Dans ce nouvel opus de Conseils aux compétiteurs, Arnaud Clément et Arnaud Di Pasquale, récemment sacrés Champions de France + 45 ans de padel, nous parlent de la manière de s'adapter à cette discipline quand on a joué – et qu'on joue encore – au tennis.

Sacrés ensemble Champions de France des + de 45 ans le 16 juin dernier à Lyon, Arnaud Clément et Arnaud Di Pasquale sont l'illustration parfaite des liens qui unissent le padel et le tennis. Respectivement 10e mondial ATP en 2001 et 39e en 2000, ils sont les deux meilleurs anciens tennismen du circuit padel hexagonal, et ne cessent de progresser dans une discipline qu'ils ont débutée ensemble, en 2017.

Dans cette interview croisée, nous avons demandé à ces deux fringants quadras de nous expliquer comment adapter au mieux ses qualités tennistiques pour devenir un bon joueur de padel… sans pour autant les altérer, notamment pour ceux qui taquinent toujours la balle jaune, comme c'est le cas de Clément, encore classé – 2/6 à 46 ans.

1/ Quels sont les principaux avantages à venir du tennis ?

Même si la plupart des meilleurs mondiaux sont des padelistes "pur et dur", il y a aussi de nombreux avantages à venir du tennis. La preuve, la corrélation entre le niveau au padel et le niveau (ou l'ancien niveau) au tennis est assez évidente.

"Si tu as eu un bon niveau au tennis, tu pars avec une bonne base : tu smashes et tu volleyes bien, tu as des qualités de déplacement et un bon œil : rien que ça, c'est super important au padel", fait observer "la Clé".

"C'est un bon bagage de départ, qui va donner une certaine facilité dans l'apprentissage des coups, renchérit son partenaire. En ce sens, un débutant qui a été seconde série au tennis sera a priori meilleur qu'un joueur qui a été quatrième série. En revanche, sans une pratique régulière, il y a un plafond de verre qui s'installera très vite, car le padel est un sport très spécifique."

© Cédric Lecoq / FFT

2/ Et quels sont les principaux inconvénients ?

Le tennis et le padel sont en effet des cousins proches aux caractères, néanmoins, très différents. Pour le tennisman reconverti, la principale difficulté d'apprentissage vient de l'utilisation de la vitre et de la construction du point, basé avant tout sur la patience, la défense et la variété tactique.

"Même si nous n'avions pas le même jeu au tennis, nous avons tous les deux éprouvé les mêmes difficultés quand on s'est mis au padel, confirme le directeur du Greenweez Paris Major, dont la troisième édition aura lieu du 28 septembre au 3 octobre prochain. Au début, par exemple, je cherchais tout le temps à smasher très fort pour finir le point, et je me faisais tout le temps avoir. A force, tu finis par comprendre, et t'adapter. Mais c'est vrai que notre marge de progression reste malgré tout plus limitée par rapport à des joueurs qui se sont mis très jeunes au padel."

"Notre bagage tennis, c'est à la fois notre force et notre principal point faible, par moments", conclut ainsi Clément.

© Cédric Lecocq / FFT

3/ Quelle est l'importance du choix du partenaire ?

Comme pour un mariage : il est capital ! Au tennis, on a vu des équipes de double briller sans avoir forcément une grande complémentarité technique, voire affective. Au padel, sport qui ne se pratique que par paire, cela semble difficilement envisageable.

"La complicité dans une équipe de padel me paraît supérieure à celle d'une équipe de double au tennis, estime ainsi Clément, ancien grand joueur de double, notamment vainqueur à Wimbledon en 2007 aux côtés de Michaël Lodra. En tout cas, il est plus important d'être parfaitement coordonné dans ses déplacements avec le partenaire. Si tu n'es pas placé au bon endroit ou si tu ne joues pas au bon endroit, tu peux rapidement mettre ton partenaire en mauvaise posture. Alors qu'au tennis, tu peux jouer davantage en décalage."

"Quand je joue avec un autre partenaire, c'est en général plus compliqué pour moi, confesse Di Pasquale. Avec Arnaud, on a créé des automatismes qui ne sont peut-être d'ailleurs pas bons mais qui, à la fin, constitue notre façon de jouer à nous. On a clairement délimité nos rôles."

4/ Comment savoir si on est plus adapté à jouer à gauche ou à droite ?

C'est LA question quand on se lance dans l'aventure de la compétition au padel avec un partenaire attitré. Le choix du côté revêt sans doute plus d'importance qu'au tennis, dans la mesure où le fait de se situer à gauche ou à droite implique deux manières de jouer radicalement différentes.

"A droite, c'est la rigueur, le travail, la construction. Alors que le côté gauche a un côté plus créatif, et c'est en général le finisseur, synthétise Arnaud Di Pasquale (à gauche pour sa part), qui évoque le cas de figure le plus classique d'une équipe composée de deux droitiers. Un gaucher, lui, jouera toujours à droite, sauf si son partenaire est gaucher aussi.

"On va mettre en général à gauche le joueur le plus puissant car c'est lui qui va prendre jusqu'à 75% des balles en l'air, au centre, pour éviter à son partenaire d'avoir à jouer des volées hautes de revers, explique le finaliste de l'Open d'Australie 2001. Cela lui demande des qualités athlétiques importantes car c'est une répétition de sauts et de replacements. A droite, c'est technique, dynamique, mais pas de la même manière."

En somme, deux postes différents, un peu comme au football. "Voilà ! A gauche, grosso modo, tu as les buteurs, Mbappé, Ronaldo et Messi ; alors qu'à droite, tu as les travailleurs de l'ombre, Ngolo Kanté, Matuidi et Makele !", s'amusent les deux hommes.

A vous de voir, selon votre profil tennistique, quel "poste" serait susceptible de vous convenir le mieux.

© Franck Binisti / FFT

5/ Peut-on transférer son identité de jeu au tennis à son identité de jeu au padel ?

Partant du constat précédemment effectué, il serait par exemple tentant d'estimer qu'un tennisman offensif, doté d'une belle volée, pourrait faire naturellement un bon joueur de gauche, tandis qu'un tennisman plus défensif se retrouvait plus facilement à droite.

"Je ne crois pas que l'on puisse faire une telle corrélation : joueur de gauche ou de droite, c'est avant tout un état d'esprit, tempère Clément. "Dip", par exemple, ne venait pas beaucoup au filet au tennis. Et pourtant il est "monstrueux" au smash au padel."

Ce dernier cité confirme : "On pourrait penser que les attaquants au tennis pourraient avoir des aptitudes plus naturelles pour le padel, mais la qualité essentielle à ce sport, et celle qui procure le plus de plaisir, c'est avant tout la défense. Après, il faut être très joueur, au sens propre du terme."

Veillez donc à cultiver ces qualités, tout en restant naturel. "La Clé", par exemple, joue son revers à deux mains au padel comme au tennis, comme le faisait également Benjamin Tison, désormais responsable du haut niveau à la FFT. Une hérésie ? La preuve que non, si ça marche…

© Emilie Hautier / FFT

6/ Quelles sont les passerelles entre les deux disciplines ?

Même si elles ont chacune leurs spécificités, il n'y a aucune contre-indication à pratiquer les deux, comme le fait Arnaud Clément. Il n'y a même, pour ainsi dire, que des avantages.

"Hormis quelques adaptations techniques, notamment à la volée, je passe très facilement du padel au tennis, raconte ainsi Clément. Au contraire, dans les moments où je joue moins au tennis, le fait de pratiquer le padel me permet d'entretenir le bras et l'épaule. Ainsi, à la reprise, c'est plus facile de recommencer à servir. Physiquement, même s'il y a des différences dans les courses ou au niveau cardio, il y a un travail commun du petit jeu de jambes qui est intéressant."

En ce sens, les deux disciplines sont davantage vouées à être unies que mises en opposition. D'autant que, comme le fait remarquer Di Pasquale, si le tennis a permis à de nombreuses personnes de venir au padel, ce dernier "a aussi permis à de nombreuses personnes de revenir au tennis." Bref, un cercle vertueux au diapason d'une vraie complémentarité.